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COMME JADIS…


LA MÊME AU MÊME
20 janvier.

Les Fêtes sont passées. Les Fêtes dont tante Nanine me faisait de mirifiques descriptions au temps où nous étions si seules, blotties dans notre chantier, privées de toutes chances de « veilleux », sans qui les Fêtes ne sont plus les Fêtes.

— Tu sais ben, dans ce temps-là, j’étais une jeunesse et vingt milles en traîneau ne me faisaient pas peur. On s’en allait « courrayer » jusqu’au settlement de métis du Lac Rond, chez les Lhirondelle, les Comeau et dans ben d’autres places. Ah ! les belles veillées, ma fille… De la Noël aux Rois c’était effrayant.

— Raconte…

Les coudes sur les genoux, le menton au creux de mes mains, j’écoutais. Durant une heure, il n’était question que de sleighs culbutant sur la neige, au milieu des rires de garçons et de filles, de « chantiers » chauds et accueillants, de mangeailles, de jeux de cartes et de danses.

— Ah ! si la place d’icite pouvait se « settler », tu verrais ! Vous en auriez des veilleux… Pas des métis, bien sûr, mais des gentilshommes comme ton père et toi…

La place s’est « settlée », ce qui veut dire que les colons sont venus jusqu’à nous et nos Canadiens-français ont apporté avec eux la tradition.