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raux furent dits consistere in intellectu juris. L’intelligence consiste ici à comprendre l’intention que le législateur a exprimée dans la loi, intention que désigne le mot jus. En effet, cette intention fut celle des concitoyens qui s’accordaient dans la conception d’un intérêt raisonnable qui leur fût commun à tous. Ils durent comprendre que cet intérêt était spirituel de sa nature, puisque tous les droits qui ne s’exercent point sur des choses corporelles, nuda jura, furent dits par eux in intellectu juris consistere. Puis donc que les droits sont des modes de la substance spirituelle, ils sont indivisibles, et par conséquent éternels ; car la corruption n’est autre chose que la division des parties. Les interprètes du droit romain ont fait consister

    passionnés chacun pour son intérêt, se réunissaient dans l’idée non passionnée de l’utilité commune. On l’a dit souvent, les hommes, pris séparément, sont conduits par l’intérêt personnel ; pris en masse, ils veulent la justice. C’est ainsi qu’il en vint à méditer les idées intelligibles et parfaites des esprits (idées distinctes de ces esprits, et qui ne peuvent se trouver qu’en Dieu même), et s’éleva jusqu’à la conception du héros de la Philosophie, qui commande avec plaisir aux passions. Ainsi fut préparée la définition vraiment divine qu’Aristote nous a laissée de la loi : Volonté libre de passion ; ce qui est le caractère de la volonté héroïque. Aristote comprit la justice, reine des vertus, qui habite dans le cœur du héros, parce qu’il avait vu la justice légale, qui habite dans l’âme du législateur et de l’homme d’État, commander à la prudence dans le sénat, au courage dans les armées, à la tempérance dans les fêtes, à la justice particulière, tantôt commutative, comme au forum, tantôt distributive, comme au trésor public, ærarium (où les impôts, répartis équitablement, donnent des droits proportionnels aux honneurs). D’où il résulte que c’est de la place d’Athènes que sortirent les principes de la métaphysique, de la logique et de la morale. La liberté fit la législation, et de la législation sortit la philosophie.
      Tout ceci est une nouvelle réfutation du mot de Polybe que nous avons déjà cité (Si les hommes étaient philosophes, il n’y aurait plus besoin de religion). Sans religion point de société, sans société point de philosophes. Si la Providence n’eût ainsi conduit les choses humaines, on n’aurait pas eu la moindre idée ni de science ni de vertu. (Vico.)