Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/598

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conservé force de coutumes. C’est ce qui explique comment furent en quelque sorte ensevelies dans l’oubli chez les Latins les lois de Justinien, chez les Grecs les Basiliques. Mais lorsqu’ensuite se formèrent les monarchies modernes, lorsque reparut dans plusieurs cités la liberté populaire, le droit romain compris dans les livres de Justinien fut reçu généralement, en sorte que Grotius affirme que c’est un droit naturel des gens pour les Européens.

Admirons la sagesse et la gravité romaines, en voyant au milieu de ces révolutions politiques les préteurs et les jurisconsultes employer tous leurs efforts pour que les termes de la loi des Douze Tables ne perdent que lentement et le moins possible le sens qui leur était propre. Ainsi, en changeant de forme de gouvernement, Rome eut l’avantage de s’appuyer toujours sur les mêmes principes, lesquels n’étaient autres que ceux de la société humaine. Ce qui donna aux Romains la plus sage de toutes les jurisprudences, est aussi ce qui fit de leur Empire le plus vaste, le plus durable du monde. Voilà la principale cause de la grandeur romaine que Polybe et Machiavel expliquent d’une manière trop générale, l’un par l’esprit religieux des nobles, l’autre par la magnanimité des plébéiens, et que Plutarque attribue par envie à la fortune de Rome. La noble réponse du Tasse à l’ouvrage de Plutarque le réfute moins directement que nous ne le faisons ici.