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enfin, d’abord calmes et tranquilles, s’irritant d’une parole dite sans intention de leur déplaire, et s’emportant au point de menacer de mort celui qui l’a prononcée ? Ainsi Achille reçoit dans sa tente l’infortuné Priam, qui est venu seul pendant la nuit à travers le camp des Grecs, pour racheter le cadavre d’Hector ; il l’admet à sa table, et pour un mot que lui arrache le regret d’avoir perdu un si digne fils, Achille oublie les saintes lois de l’hospitalité, les droits d’une confiance généreuse, le respect dû à l’âge et au malheur ; et dans le transport d’une fureur aveugle, il menace le vieillard de lui arracher la vie. Le même Achille refuse, dans son obstination impie, d’oublier en faveur de sa patrie l’injure d’Agamemnon, et ne secourt enfin les Grecs, massacrés indignement par Hector, que pour venger le ressentiment particulier que lui inspire contre Pâris la mort de Patrocle. Jusque dans le tombeau, il se souvient de l’enlèvement de Briséis ; il faut que la belle et malheureuse Polyxène soit immolée sur son tombeau, et apaise par l’effusion du sang innocent ses cendres altérées de vengeance.

Je n’ai pas besoin de dire qu’on ne peut guère comprendre comment un esprit grave, un philosophe habitué à combiner ses idées d’une manière raisonnable, se serait occupé à imaginer ces contes de vieilles, bons pour amuser les enfants, dont Homère a rempli l’Odyssée.

Ces mœurs sauvages et grossières, fières et farouches, ces caractères déraisonnables et déraisonnablement obstinés, quoique souvent d’une mobilité et d’une légèreté duériles, ne pouvaient appartenir, comme nous l’avons démontré (Livre II, Corollaires de la nature héroïque), qu’à des hommes faibles d’esprit comme des enfants,