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tique que les poètes furent appelés par les Grecs mustai [qu’Horace traduit fort bien par les interprètes des dieux], lesquels expliquaient les divins mystères des auspices et des oracles. Toute nation païenne eut une sibylle qui possédait cette science ; on en a compté jusqu’à douze. Les sibylles et les oracles sont les choses les plus anciennes dont nous parle le paganisme.


Tout ce qui vient d’être dit s’accorde donc avec le mot célèbre :

… La crainte seule a fait les premiers dieux ;


mais les hommes ne s’inspirèrent pas cette crainte les uns aux autres ; ils la durent à leur propre imagination (ce qui répond à l’axiome : les fausses religions sont nées de la crédulité et non de l’imposture). Cette origine de l’idolâtrie étant démontrée, celle de la divination l’est aussi ; ces deux sœurs naquirent en même temps. Les sacrifices en furent une conséquence immédiate, puisqu’on les faisait pour procurare (c’est-à-dire pour bien entendre) les auspices.

Ce qui nous prouve que la poésie a dû naître ainsi, c’est ce caractère éternel et singulier qui lui est propre : ""le sujet propre à la poésie, c’est l’impossible, et pourtant le croyable (impossibile credibile). Il est impossible que la matière soit esprit, et pourtant l’on a cru que le ciel, d’où semblait partir la foudre, était Jupiter. Voilà encore pourquoi les poètes aiment tant à chanter les prodiges opérés par les magiciennes dans leurs enchantements ; cette disposition d’esprit peut être rapportée