Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/362

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

effet, les parents dont le lien des lois n’assure point l’union perdent leurs enfants, autant qu’il est en eux ; le père et la mère pouvant toujours se séparer, l’enfant abandonné de l’un et de l’autre doit rester exposé à devenir la proie des chiens ; et si l’humanité publique ou privée ne l’élevait, il croîtrait sans qu’on lui transmît ni religion, ni langue, ni aucun élément de civilisation. Ainsi, de ce monde social embelli et policé par tous les arts de l’humanité, ils tendent à en faire la grande forêt des premiers âges, où, avant Orphée, erraient les hommes à la manière des bêtes sauvages, suivant au hasard la coupable brutalité de leurs appétits, où un amour sacrilège unissait les fils à leurs mères, et les pères à leurs filles.


III. Enfin, pour apprécier l’importance du troisième principe de la civilisation, qu’on imagine un état dans lequel les cadavres humains resteraient sur la terre sans sépulture, pour servir de pâture aux chiens et aux oiseaux de proie. Dès lors, les cités se dépeupleraient, les champs resteraient sans culture, et les hommes chercheraient les glands mêlés et confondus avec la cendre des morts. Aussi, c’est avec raison qu’on a désigné les sépultures par cette expression sublime : fœdera generis humani, et par cette autre expression moins élevée qu’emploie Tacite : humanitatis commercia. Toutes les nations païennes se sont accordées à croire que les âmes allaient errantes autour des corps laissés sans sépulture, et demeuraient inquiètes sur la terre ; que par conséquent elles survivaient aux corps, et étaient immortelles. Les rapports des voyageurs modernes nous prouvent que