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rites aient été portées à leur perfection dès le commencement du monde, nous empêche de les chercher dans les ouvrages des philosophes ; nous suivrons donc ces recherches, comme s’il n’existait point de livres.

Mais dans cette nuit sombre dont est couverte à nos yeux l’antiquité la plus reculée, apparaît une lumière qui ne peut nous égarer ; je parle de cette vérité incontestable : le monde social est certainement l'ouvrage des hommes ; d’où il résulte que l’on en peut, que l’on en doit trouver les principes dans les modifications mêmes de l’intelligence humaine. Cela admis, tout homme qui réfléchit ne s’étonnera-t-il pas que les philosophes aient entrepris sérieusement de connaître le monde de la nature que Dieu a faite et dont il s’est réservé la science, et qu’ils aient négligé de méditer sur ce monde social, que les hommes peuvent connaître, puisqu’il est leur ouvrage ? Cette erreur est venue de l’infirmité de l’intelligence humaine : plongée et comme ensevelie dans le corps, elle est portée naturellement à percevoir les choses corporelles, et a besoin d’un grand travail, d’un grand effort pour se comprendre elle-même ; ainsi l’œil voit tous les objets extérieurs, et ne peut se voir lui-même que dans un. miroir.

Puisque le monde social est l’ouvrage des hommes, examinons en quelle chose ils se sont rapportés et se rapportent toujours. C’est de là que nous tirerons les principes qui expliquent comment se forment, comment se maintiennent toutes les sociétés, principes universels et éternels, comme doivent l’être ceux de toute science.

Observons toutes les nations barbares ou policées,