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que les philosophes de l’Italie auraient observé que le cœur est dans la génération des animaux la première partie qui apparaisse et qu’on voit battre, et dans la mort la dernière qu’abandonnent la chaleur et le mouvement ? Est-ce parce que c’est dans le cœur qu’est la plus ardente flamme de la vie ? est-ce parce que dans l’évanouissement, défaillance du cœur que nous appelons en italien svenimento di cuore, ils voyaient se suspendre non seulement le mouvement des nerfs, mais encore celui du sang, et disaient du malade animo deficere et animo male habere ? et qu’ils plaçaient dans le cœur le principe de l’anima ou de la vie, et aussi celui de l’animus ou de la raison ? est-ce parce que le sage est celui qui pense le vrai et veut la justice, qu’ils placèrent dans les affections l’animus, et dans l’animus le mens, l’intelligence, mens animi ? Certainement les deux foyers de toutes les émotions violentes de l’âme, ou des affections, sont l’appétit concupiscible et l’appétit irascible, et le sang paraît être le véhicule du premier, et la bile celui du second ; l’un et l’autre de ces liquides ont leur siège principal dans les viscères. Ils pensaient donc que le mens dépend de l’animus, parce que chacun pense selon qu’il est bien ou mal animatus ; car les sentiments diffèrent sur des sujets identiques selon la diversité des dispositions. Aussi se dépouiller de ses passions, c’est une préparation plus sûre encore pour la méditation du vrai que de se dépouiller de ses préjugés ; car vous ne détruirez jamais les préjugés tant que la passion restera ; mais si la passion est éteinte, le masque que nous avions mis sur les objets tombe de lui-même, et les choses restent ce qu’elles sont.