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l’innombrable la multiplication de l’unité. De cette manière, il se construisit un monde de formes et de nombres qu’il pût embrasser tout entier. En prolongeant, divisant ou assemblant des lignes, en ajoutant, retranchant et combinant des nombres, il produit des choses infinies, parce qu’il connaît en lui-même des vérités infinies. Il faut de l’action, non pour les problèmes seuls, mais pour les théorèmes eux-mêmes, que l’on croit vulgairement appartenir à la contemplation pure. En effet, puisque l’esprit rassemble les éléments du vrai qu’il contemple, il est impossible qu’il ne fasse pas le vrai qu’il connaît. Or, comme le physicien ne peut définir les choses selon la vérité, c’est-à-dire assigner à chaque chose sa nature et la faire selon le vrai (ce qui est le privilège de Dieu), il définit les mots, et, à l’exemple de la divinité, il crée sans matière (comme Dieu crée de rien) le point, la ligne, la surface. Il désigne par le mot de point ce qui n’a pas de parties, par celui de ligne la marche et la trace du point, ou la longueur sans largeur et sans profondeur ; il appelle surface la rencontre de deux différentes lignes, qui font une largeur accompagnée de longueur sans profondeur. Ainsi, comme il lui est refusé de saisir les éléments dont les choses tirent leur réalité, il se crée des éléments nominaux, d’où sortent les idées par une déduction inattaquable.

Cela n’a pas échappé aux sages auteurs de la langue latine ; nous savons que les Romains disaient indifféremment quæstio nominis et definitionis, question de nom et de définition ; ils pensaient chercher la définition lorsqu’ils cherchaient ce que le mot réveillait dans l’esprit de tous. On voit par là qu’il en a été de