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Jugement sur Dante. (Opuscules, 2e vol.) — La Divine Comédie mérite d’être lue pour trois raisons : c’est l’histoire des temps barbares de l’Italie, la source des plus belles expressions du dialecte toscan, et le modèle de la poésie la plus sublime.

À l’époque où les nations commencent à se civiliser, et toutefois conservent encore l’esprit de franchise qu’ont ordinairement les barbares, par leur défaut de réflexion (la réflexion appliquée au mal est la mère unique du mensonge), alors, dis-je, les poètes ne chantent que des histoires véritables. Ainsi, dans la Science nouvelle, nous avons établi qu’Homère est le premier historien du paganisme. Ennius, qui a célébré les guerres puniques, a été incontestablement le premier historien des Romains. De même, notre Dante est le premier, ou l’un des premiers historiens de l’Italie. Dans la Divine Comédie, une seule chose est du poète : c’est d’avoir placé les morts selon leurs mérites, dans l’enfer, le purgatoire ou le paradis. Dante est l’Homère, ou, si l’on veut, l’Ennius du christianisme. Ses allégories répondent aux réflexions morales que l’on fait en lisant un historien, pour profiter des exemples d’autrui.

Si nous le considérons maintenant sous le rapport du langage, nous trouverons qu’on n’a pas expliqué d’une manière satisfaisante pourquoi il aurait emprunté des expressions à tous les dialectes de la langue italienne, comme on le croit communément.

Ce préjugé ne peut s’expliquer que d’une manière. Lorsque les savants du quinzième siècle se mirent à étudier la langue toscane telle qu’on l’avait parlée à Florence au treizième siècle, c’est-à-dire au siècle d’or