Page:Michel Millot - L’Escole des filles, 1790-1800.djvu/184

Cette page a été validée par deux contributeurs.
174
L’ESCOLE DES FILLES

Fanchon. Quelle douce cruauté ! J’enrage.

Susanne. Je veux donc que tu sçaches que je ne donnerois pas un festu d’un homme, pour beau et bien faict qu’il fust, s’il n’a les perfections de son manche, et qu’il estonne la femme par son regard tout enflammé, au premier coup qu’elle doibt estre percée, et voylà toute la beauté que je requiers en luy, pour l’accomparer à celle de la femme, car pour les autres vertus qu’il doibt avoir, nous en avons desjà assez discouru dans nos premiers entretiens.

(90) Fanchon. Et cela estant, trouvez-vous qu’une jouyssance consommée de ceux qui sont pourvus de toutes ces belles qualitez doibve estre accomplie en tous les points ?

Susanne. Nenny dea, ce n’est pas assez, car je veux de plus que dans le temps de l’accouplement ils observent les convenances qui suivent. Je veux que la fille soit un peu honteuse à certaines choses et que l’homme soit plus hardy ; je ne veux pourtant pas qu’elle soit si honteuse que de luy refuser sottement quelque chose que l’amour exige d’elle, mais je veux seulement que sa honte tesmoigne qu’elle n’oseroit faire ce qu’elle voudroit bien, et qu’elle ne serve à son amy que d’attraicts pour luy donner plus d’envie de faire, de rapiner des choses que