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L’ESCOLE DES FILLES


pensées attachées au bas de nostre ventre, de là vient qu’ils ne peuvent s’exprimer qu’en disant : Hé ! ma connaude, hé ! ma couillaude, avec telles autres appellations qu’ils nous donnent selon la pensée qui les anime ; et la langue, qui pourroit dire autrement, en est souvent empeschée par la trop grande attention de l’esprit, qui la fait fourcher et luy fait prendre un mot pour l’autre. En quoy se voit alors la vive peinture à l’esprit de l’objet aymé, et l’âme se réjouissant dans ceste connoissance, redouble les estreintes et les embrassements et fait entendre ces mots en baisant, dans le murmure et la douce union de deux langues qui se chatouillent, de : Ma bonne ! c’est qu’ils admirent la bonté ; que nous avons à leur départir nos faveurs ; s’ils disent : Ma colombe ! c’est qu’ils pensent à quelque ressemblance que nos caresses ont à celles des colombes ; s’ils disent : M’amour ! mon cœur ! c’est qu’ils ayment leur dame de passion et qu’ils luy voudroient couler le membre jusqu’au cœur. Tous des mots dont ils se servent sont autant de mots hiérogliphiques dont chacun d’eux porte une sentence entière, car s’ils disent : Ma connaude ! c’est qu’elle est bien pourvue de ceste partie en laquelle toute idée d’amour se convertit, ou qu’ils reçoivent un grand plaisir de cet endroit-

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