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quand l’alerte sonna. Devant nous, dans l’ombre absolue, un passant s’efforçait de découvrir le numéro d’une maison à l’aide d’une lampe électrique de poche. Et tous les groupes, massés sur les seuils, lui lançaient d’âcres et sales injures, dégorgeaient cette méchanceté abondante, ingénieuse, de l’âme collective. Son petit lumignon attirait l’ennemi !… Jugez de l’éclat de ce ver luisant, comparé aux puissantes constellations des gares, qui ne s’éteignent pas. Mais c’est une mode. On se jette sauvagement sur le fumeur qui garde sa cigarette allumée. L’ennemi pourrait voir ce point de feu ! Et cette même foule va rester béatement sur les trottoirs tout le temps du raid. Il est vrai qu’un de nos grands pontifes orthodoxes a écrit : « La foule qui reste dans la rue pendant les raids est animée de l’esprit de sacrifice à la patrie ». En quoi la foule, en se faisant niaisement tuer par badauderie, peut-elle bien servir la patrie ?

16 mai 1918.

Le procès du Bonnet Rouge, qui se traînait