Page:Michel Corday - Charlotte Corday, 1929.djvu/62

Cette page a été validée par deux contributeurs.

élevant sa tête audacieuse au-dessus des lois. » C’est ainsi qu’elle le voit.

D’aspect, c’est un monstre : petit, large, la tête énorme, la démarche rapide et sautillante, la mise malpropre et recherchée, le front plissé sous le bonnet rouge ou le mouchoir noué, le nez courbe écrasé sur la bouche longue et mince, la mine insolente ou sardonique, le teint de plomb, les yeux ronds, clairs, inquiets, d’un gris jaune.

D’esprit, c’est un monstre. La vanité, l’ambition, le dévorent. Oh ! surtout la vanité. Méconnu comme savant et comme médecin, méconnu comme philosophe et comme écrivain, malgré tant de livres et de mémoires publiés dans le vide, il connaît enfin, grâce à la Révolution, cette popularité qu’il convoite depuis vingt ans. Il la lui faut désormais. Il en a besoin comme de l’air qu’il respire. Exaltant les plus sales instincts de la foule ignorante, lui soufflant chaque jour la haine et le soupçon, versant sur elle son humeur âcre et féroce, il lui communique sa fièvre et son délire. Mais du moins, elle continue de l’acclamer.

De lui, tout irrite la jeune fille : ce titre de « médecin des incurables » qu’il se vante