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simplicité n’allait pas sans finesse. Car elle était avant tout très bonne, et son cœur lui donnait de l’esprit.

En veut-on un exemple ? À la fin de 1791, une de ses amies, Mme Levaillant, décida à fuir Caen, où renaissaient des troubles, afin de gagner Rouen, qu’on disait plus tranquille. Elle pressait Mme de Bretteville de l’imiter. La bonne dame, qui gardait sous l’orage une sérénité souriante, était bien résolue à ne point abandonner sa maison. Mais il lui déplaisait de donner à son amie une leçon de courage. Alors elle feignit une peur ridicule : pour rien au monde, elle ne consentirait à franchir, disait-elle, le pont de bateaux qui traversait la Seine à Rouen et qui pouvait fort bien être entraîné jusqu’à la mer.

Sa bonté, qui lui donnait de la malice, lui donnait aussi une indulgence charmante aux faiblesses d’autrui : devenue veuve, ne continuait-elle pas d’héberger souvent un fils naturel de son mari, que M. de Bretteville avait rapporté de quelque lointaine aventure ?

Elle habitait 148, rue Saint-Jean, en face de la rue des Carmes, une maison en pierre apparente et de style gothique. En façade, le rez-de-chaussée, surmonté de deux étages à