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et leurs propos aussi sots que leurs personnes étant désagréables, ne servirent pas peu à m’endormir ; je ne me réveillai pour ainsi dire qu’à Paris. Un de nos voyageurs, qui aime sans doute les femmes dormantes, me prit pour la fille d’un de ses anciens amis, me supposa une fortune que je n’ai pas, me donna un nom que je n’avais jamais entendu, et enfin m’offrit sa fortune et sa main. Quand je fus ennuyée de ses propos : Nous jouons parfaitement la comédie, lui dis-je, il est malheureux avec autant de talent de n’avoir point de spectateurs ; je vais chercher nos compagnons de voyage, pour qu’ils prennent leur part du divertissement. Je le laissai de bien mauvaise humeur. La nuit, il chanta des chansons plaintives, propres à exciter le sommeil ; je le quittai enfin à Paris, refusant de lui donner mon adresse ni celle de mon père à qui il voulait me demander ; il me quitta de bien mauvaise humeur. J’ignorais que ces messieurs eussent interrogé les voyageurs, et je soutins ne les connaître aucuns pour ne point leur donner le désagrément de s’expliquer. Je suivais en cela mon oracle Raynal, qui dit qu’on ne doit pas la vérité à ses tyrans. C’est par la voyageuse qui était avec moi que l’on a su que je