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Charlotte opposait à cette fureur déchaînée son doux sourire et sa fierté tranquille. Sous les huées mortelles et les gestes féroces, elle songeait : « Je leur donne la Paix. » C’était le secret de sa sérénité. Les bras liés derrière le dos, elle restait debout, la tête bien droite. Ah ! ses vieux amis n’auraient pas pu lui reprocher ce jour-là « de cacher ses beaux yeux ». Sa chemise rouge, toute trempée de pluie, épousait son corps comme les draperies d’une statue.

On eût dit que sa ferme douceur et sa grâce limpide imposaient, une fois encore, le silence et le respect. Tandis que l’orage s’apaisait, les imprécations devenaient plus rares, bien que la foule fût toujours aussi dense par les quais et les rues. Seuls, les énergumènes qui accompagnaient la charrette et que les gardes à cheval tenaient à distance, continuaient de vomir d’ignobles injures.

Dans la rue Saint-Honoré, la charrette se frayait plus lentement que jamais son chemin. Sanson, ému par un courage qu’il n’avait jamais vu, dit à Charlotte : « Vous trouvez que c’est bien long ? » Elle lui répondit en souriant, de sa voix musicale et presque enfantine : « Bah ! Nous sommes toujours sûrs d’arriver. »