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avait là encore une servante, Fanchon Marjot, surnommée la Marjote, qui l’adorait, qui s’était toute consacrée à elle. Cette femme, devenue vieille, avait voué un tel culte à la mémoire de Charlotte Corday, qu’elle vivait dans une petite pièce dont l’enfant avait fait sa retraite préférée.

Cette chambre du Mesnil-Imbert était située au-dessus du fournil. La fillette y passait de pleins après-midi de lecture. C’était sa passion. Elle avait pris aussi l’habitude, qu’elle garda pendant ses vacances de pensionnaire, d’y réunir de petites villageoises. Elle leur apprenait à lire, à coudre, à chanter. Comme on était au pays des dentellières, elle leur enseignait le Point de France. Et puis elle les comblait de friandises. Elle avait hérité de son père le goût d’aider, de donner.

Dès cette époque s’accusait un double trait de sa nature : dévouée aux autres, elle était détachée d’elle-même. Cette indifférence semblait aller jusqu’à une sorte d’insensibilité physique. Un jour, vers douze ans, elle avait fait une chute assez grave. Pâle, ensanglantée, elle rassurait les siens en souriant et refusait d’avouer sa souffrance. Et sa mère de se lamenter : « Ah ! cette petite fille est dure à