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deux plats posés sur le rebord de la fenêtre pour le repas du soir.

Marat reprend son interrogatoire. Il inscrit maintenant les noms des administrateurs du Calvados délégués à Évreux. Elle cite Bougon Longrais, les autres. Qu’importe qu’elle paraisse les perdre ? Elle va les sauver.

Il s’arrête d’écrire et ricane : « Je les ferai tous guillotiner dans peu de jours à Paris. »

Ces mots décident de son heure. D’un même jet, elle se dresse, tire la lame de son sein, puis l’abat, d’une force terrible qu’elle ne se savait pas… Et c’est, en elle, une ineffable sensation de délivrance.

Marat n’a jeté qu’un appel confus et rauque. Charlotte traverse les deux pièces qui la séparent de l’antichambre. Elle va s’enfuir. Non. Le commissionnaire qui pliait les journaux a entendu le cri de Marat. À la vue de la jeune fille, il comprend. Il hurle : « À l’assassin ! À la garde ! » Brandissant une chaise, il en frappe Charlotte. Les femmes accourent, se jettent sur elle, l’abattent sur le sol. Comme elle tente de se relever, l’homme la saisit brutalement à la poitrine, de nouveau la terrasse en l’accablant de coups et d’injures : « Coquine ! Scélérate ! »