837 « Un vénérable vieillard qui, pour retrouver son petit-fils enlevé il y a six « ans, avait eu recours à la ruse bien pardonnable en pareille occasion de se « dire possesseur de trois millions, prévient le public de cette ruse qui a failli
- coûter la vie à son mandataire. M. le comte de Montnoir croirait contre sɔ
« conscience de tromper plus longtemps l’opinion, fût-ce pour qu’on lui rendit
- son enfant. »
Diable ! se dit M. Christophe, c’étaient de faux papiers qu’il avait déposés dans mon étude ; cela irait loin, si c’était un homme ordinaire (pour lui, les riches et les nobles n’étaient point des hommes ordinaires). Davys-Roth étant convenu avec le vieillard que les recherches redeviendraient secrètes, il retourna dans son souterrain. La bête fauve blessée cherche le chemin de son repaire, Davys-Roth agissait ainsi, cela le calmait. Un tourbillon se faisait dans son cerveau fatigué ; peu lui importait sa vie et encore bien moins l’autre, à laquelle il n’attachait qu’un intérêt de mise en scène. Mais son œuvre ? La restauration du Roy, qui devait ramener la religion des aïeux, avec le drapeau blanc et tout son cortége, les condamnations pour sacrilèges, la dime qu’on rapporterait le front courbé jusqu’à terre ; les couvents centuplés et gorgés ; les églises, couvrant du bruit de leurs cloches et des gémissements de leurs psaumes les revendications révolutionnaires : cet ensemble chargé d’ombre auquel il était attaché par tous les crimes qu’il commettait, il ne fallait pas que tout cela pérît. A qui laisser ses trésors ? au pape ? C’était un imbécile. A quelque prêtre ? il les garderait pour lui, personnellement. Un seul le comprendrait peut-être, et il était à Rome. C’était celui-là qu’il lui fallait ; ce n’était donc pas pour cette nuit encore, que Davys Roth s’endormirait. La vie commençait à le fatiguer, il avait hâte de mettre son œuvre en mains sûres. Personne, pensait-il, n’y apporterait le même zèle ; mais enfin ce serait conservé. Il écrivit donc à l’abbé Philippi à Rome, ce seul mot : Venez, et il attendit. L’abbé Philippi était son élève et son correspondant, le seul être qu’il aimât ou plutôt auquel il s’intéressât, par amour pour son œuvre. Une chose étrange arriva ce jour-là à Davys-Roth, lui prouvant que le cabinet noir agissait parfois avec ses complices, de manière à les tenir autant qu’il en était tenu. M. X… le manda dans son cabinet : ils ne s’étaient pas vus depuis que DavysRoth l’avait traité avec tant de hauteur. En toute autre circonstance, Davys-Roth eût répondu Venez vous-même ! Mais le temps lui manquait, et puis, une tuile lui faisait oublier l’autre ; il y alla pour se distraire.