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LA MISÈRE

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On en était à la dernière quand un nouveau personnage entra en scène. Mme Mixlin, avertie par l’annonce des journaux, avait guetté l’heure de la perquisition ; elle arrivait pâle, froide, étonnée qu’on eût enfin acquiescé à sa demande. Elle se demandait s’il était bien vrai que la justice existât. Pourtant, cette manière d’annoncer d’avance une perquisition lui faisait un drôle d’effet. Il y avait dans ces deux lignes de la réclame et de l’avertissement. Cela ne s’était jamais vu, mais que cela se fasse en dessus ou en dessous, n’était-ce pas toujours la même chose ? Du reste, elle serait là, et si sa Rose y avait passé, elle le saurait bien. Vous le voyez, madame, dit Félix, on a consenti à vous donner satisfaction et le passage de votre enfant dans cette maison est une illusion ; mais on pardonne tout à une mère. L’aspect de Mme Mixlin faisait froid aux os. On eût dit que ses yeux seuls vivaient, se fixant ardents de tous côtés, interrogeant, fouillant, scrutateurs et terribles, elle était convaincue. On se taisait. Tout à coup elle bondit ! Dans un vide-poche placé sur une petite étagère près du lit, se trouvait une bague en os à laquelle on n’avait pas fait attention. — Ah ! je le savais bien, dit-elle, voilà sa bague. Son oncle la lui a faite quand il était sur les pontons pour la Commune. Elle y tenait tant qu’elle l’ôtait le soir par crainte de la briser en dormant. • Voyez comme c’est fragile, il y a ses inițiales sur le chaton, un R et M.

  • Maintenant je ne sortirai pas que je n’aie mon enfant morte ou vive. » >

Hélas ! une fois ôtée la première nuit, elle n’avait plus guère songé à remettre sa bague, la pauvre Rose. Quelqu’un habite-t-il cette chambre ? demanda Félix à Blanche Marcel. — Je n’y ai jamais vu personne. Il n’y avait pas moyen d’arrêter Mme Mixlin ; on la suivait comme on eût suivi un chien chargé de prendre la piste. Mais elle non plus ne trouvait rien, dans les dortoirs, les salles, nulle trace de Rose. Dressant sa haute taille, levant ses grands bras décharnés, elle parcourait jusqu’aux recoins des greniers. Quand elle eut exploré jusqu’aux caves, creusant de ses mains chaque exhaussement du sol elle alla dans les jardins. Les domestiques s’étaient sauvés ; le concierge seul, ignorant une partie de ce qui se passait, restait les yeux sur sa porte attendant encore Mme Helmina. Mme Mixlin parcourut le parc, la chapelle, fouilla au pied des arbres ; il ne lui restait plus que le bosquet et les logements des domestiques. Elle entra dans le bosquet. Des nids d’oiseaux avaient remplacé dans les branches le chat au miaulement sinistre ; il s’en était allé mourir de faim, comme un abandonné qu’il était : Les fleurs de mai tombaient en pluie, comme autrefois les fleurs du givre sur la petite morte ensevelie dans la chaux vive.