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LA MISÈRE

675 Amélie avait profité de la porte cochère ouverte pour M. X… ; elle passa près de lui en courant et disparut dans un dédale de rues. LXXX L’ENLÈVEMENT Nicolas se sentit perdu. M. X… ne dirait rien tant qu’Amélie se tairait ; mais une fois qu’elle le dénoncerait, M. X… aurait peur et ferait de même ; or, comme il était moins décidé que jamais à épouser Amélie elle parlerait tôt ou tard. Il avait une somme assez forte pour entreprendre un long voyage ; le sort en était jeté, Nicolas allait partir. Mais il ne voulait pas partir sans Valérie ; la folie du mal l’enfiévrait, la pente devenait de plus en plus rapide jusqu’au fond du gouffre. Nicolas prit sur lui tout ce qu’il possédait d’or ou de valeurs, brûla les papiers trouvés dans le portefeuille, ainsi que tous ceux qu’il avait chez lui, à part les rédactions pieuses du journal le Pain, une collection de ce journal et une de l’Écho du ciel, il détruisit bon nombre de livres d’une littérature dans le goût du roi Salomon, et prenant la clef de son appartement il s’en alla pour n’y plus revenir. Amélie le suivait d’un peu plus loin qu’à l’ordinaire ; elle le vit prendre un billet de chemin de fer, il allait au château des Tourelles ; elle en prit un également et monta dans un wagon. Il descendit à la seconde station et prit le chemin de traverse qui conduisait à la propriété du comte de Méria ; son intention était de guetter l’absence de son ancien ami. Il prit une chambre à l’auberge du village, afin d’avoir les yeux sur la porte d’entrée du château, il avait mis à la poste, à Paris, ce billet à l’adresse du comte de Méria. • Sitôt la nuit venue, allez à la brasserie que vous connaissez, et attendez la personne que vous y rencontrez ordinairement jusqu’à ce que vous l’ayiez vue, célérité ou vous êtes perdu. » Il ne manquera pas, se disait le misérable devenu calme comme le chat guettant une souris ; il attendit tout le jour dans la chambre qu’il avait louée. Je me trouve indisposé, avait-il dit, je prendrai mes repas dans ma chambre. Jusque-là rien de plus naturel ; ce qui l’était moins, c’est qu’une dame venue peu après le monsieur qu’on croyait reconnaître pour un habitué du château, faisait absolument la même chose. Vers neuf heures du soir le monsieur sortit, quelques minutes après, la dame sortait également. Hector de Méria était parti pour Paris, inquiet de la lettre qu’il avait reçue. Valérie devait être seule, il s’agissait maintenant d’éloigner les domestiques ou de les tromper. Une ruse aussi grossière que les (petits renseignements) sou-