635 Oui, dit de Méria. Que demande-t-il ? De Méria passa la lettre au mouchard. Celui-ci, voyant que Sansblair ne parlait ni de lui ni de la somme, ne put s’empêcher de penser qu’il écrivait convenablement. 1 Il faut encore s’exécuter, dit-il. Alors, dit de Méria, cela fait deux mille francs. Non, répondit Nicolas qui tenait à jeter entre les griffes d’Amélie un autre cadeau pour la faire taire, cela fait deux mille cinq cents, il faut empêcher cette vipère de se mettre à table (dénoncer). Que veut-il faire de cet argent ? dit de Méria. Probablement s’évader. Nouveau danger, alors. Allons, mon cher, c’est de la simplicité, dit Nicolas, une fois cet homme dehors il ne parlera plus, et s’il veut nous faire chanter il y a un moyen ! — Je l’aiderai moi-même, si je le puis, sans me compromettre. STAS En effet, dit de Méria. Valérie entrait en ce moment ; un peu moins pâle qu’à l’ordinaire, son jeune visage contrastait d’une façon adorable avec les vêtements de deuil dont elle était couverte. Elle salua gracieusement les deux hommes, et pour la première fois depuis la mort de son père, se mit au piano. Le soir était si doux, l’air si parfumé, que Valérie, subissant sans s’en douter l’impression du crépuscule printanier, commença un nocturne en harmonie avec le printemps, sa jeunesse et le trouble de son cœur. Enfants, dans les bois à la brune Gardez-vous des loups ; Fillette, on voit au clair de lune Les yeux trop doux. La voix de Valérie s’élevait dans le silence où montait l’odeur des roses. Les deux misérables sentirent qu’ils aimaient cette jeune femme, comme celui qui a longtemps bu l’eau fangeuse des ornières a soif d’une source pure… Un rossignol répondit du jardin. Valérie, obéissant à la rêverie qui la dominait, ouvrit son recueil de musique sur un autre morceau, répondant à l’impression qu’elle éprouvait. C’était un nocturne lent et monotone comme un récitatif. Par les beaux soirs d’été l’ombre est légère et douce, La brise va chantant sur l’onde et sur la mousse. O nuit ô rêve ! ô rossignol ! Un souffle chaud emplit la montagne et les plaines ; Le voyageur repose et l’aile des phalènes Le touche à peine dans son vol.
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LA MISÈRE
