584
Il ajouta quelques mots que Claire n’entendit pas, il était clair que l’abbé Marcel obéissait au jésuite, lequel obéissant au mot d’ordre de Rome, sacrifierait comme il le disait la créature au créateur. Le vieil oncle s’arrachait le cœur pour se rendre insensible, car Davys-Roth observait le moindre signe de faiblesse, il le voyait. S’adressant à Claire, le père lui dit : Souvenez-vous de garder le silence et d’obéir. Maintenant passez dans cette chambre, vous y trouverez des vêtements. La jeune fille inclina la tête, il lui semblait que sa voix ne pouvait plus sortir de ses lèvres, la rieuse, la hardie jeune fille était domptée, l’horreur et l’angoisse l’avaient prise à la gorge. Je ne devrais peut-être pas vous la rendre, dit Davys-Roth, lorsque Claire fut passée dans l’autre appartement ! Mais jurez-moi encore qu’elle ne parlera jamais. Je le jure, dit l’abbé Marcel. Le soir même Claire et son oncle partaient pour les Vosges et le lendemain à la tombée de la nuit ils arrivèrent au Val-des-Chênes. Le vieillard conservait un silence terrible. Le révérend Davys-Roth était satisfait de la tournure que l’affaire avait prise, mais la pensée lui vint plusieurs fois qu’il avait oublié de demander à Claire par quel moyen elle avait averti son oncle. Est-ce que je baisserais ? se demandait-il question que de Méria avait résolu déjà par l’affirmative, mais que la suite allait lui faire résoudre autrement. Le vénérable jésuite voulait se défaire des deux branches mortes qui pouvaient nuire à la religion, il fit donc venir de Méria et lui signifia ses volontés pour lui et Mme Helmina. Blanche de Méria contribua sans doute à les adoucir en ce qui concernait son frère, car on lisait quelques jours après les scènes que nous avons racontées cette double annonce dans le journal le Pain et dans l’Echo du ciel. << On parle beaucoup dans le monde pieux du mariage de M. le comte de Méria < avec une riche héritière, fille d’un homme d’une intelligence supérieure et d’une « < haute vertu, nous avons nommé mademoiselle Rousserand. « On s’entretient également, ceci avec regret, du départ pour l’Italie, de ma<< dame Helmina de Saint-Stéphane, sérieusement atteinte à la poitrine par suite « de ses fatigues dans la direction de la maison de convalescence Notre-Dame-dela-Bonne-Garde, fondée par Me Olympe Julien.
- Mile Blanche Marcel, institutrice de l’établissement, sera provisoirement
« chargée de la direction. > Davys-Roth avait exigé le mot provisoirement ; se défiant d’une créature du comte de Méria, il ne voulait pas qu’on tombât de scandale en scandale. Le départ d’Helmina devait avoir lieu sous peu de jours.