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LA MISÈRE

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pupitre ouvert ; là, protégée par la tablette à demi soulevée, elle lut ce qui suit : << Confié au hasard. « < Jeune fille qui me succède, sauve-toi pendant qu’il en est temps encore. » Le reste était illisible. Était-c t-ce une mystification, comme elle-même, la rieuse Claire, en avait fait tant et même d’aussi mauvaises ? Était-elle réellement dans un lieu de crime ; les romans étaient-ils vrais ? Le parti de la jeune fille fut bientôt pris ; avertir son oncle, sauver les enfants et elle-même du danger inconnu qu’elle allait sans doute découvrir. Elle le sentait sous le vent. Elle écrivit quelques lignes seulement : << Mon bon oncle. « Il faut que je vous voie ; si je ne suis pas chez vous dans huit jours, venez, « venez vite ; votre petite Claire vous en supplie, il le faut. » << CLAIRE. » Ayant cacheté sa lettre, elle mit son chapeau, son mantelet et avertit Mme de Saint-Stéphane qu’elle sortait pour quelques instants. La directrice dit en prenant la lettre que Claire tenait à la main : La règle de la maison, ma chère enfant, veut que ni l’institutrice ni les jeunes filles, confiées à nos soins, ne sortent sans moi. Votre bon oncle me le prescrirait, si ce n’était déjà établi. Claire, tout étonnée, ne répondait rien. La directrice, pour aller au devant d’une crainte, ajouta : ― » >> Votre lettre va être mise de suite à la poste. Le coup d’œil qu’elle jeta en même temps sur Claire, apprit à celle-ci que ses défiances étaient devinées. Bien perplexe, la jeune fille s’inclina, et rentra dans la classe : Elle était prisonnière, et sa lettre bien aventurée. Mme Helmina, de son côté, entra dans ses appartements, où ayant décacheté la lettre, elle la jeta dans le brasero qui donnait à sa chambre la douce température de l’été. Le papier brûla parmi les pastilles parfumées. Que peut avoir déjà remarqué cette petite sotte ? et de quoi veut-elle faire part à son vieux grigou d’oncle ? De Méria n’aurait-il pas mieux fait d’écrire lui-même, que d’employer le père Davys-Roth ? il ne lui manquerait plus que de faire sa confession générale et la mienne à ce fanatique. S’il se doute de quelque chose, c’est déjà suffisant, pour le jour où il n’aura plus besoin de nous. Le travail fait, on jette l’outil usé. En réfléchissant ainsi, elle s’habillait, c’est-à-dire, vu son décolletage, elle se déshabillait pour la soirée.