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LA MISÈRE

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L’habitation du concierge était placée près d’une grille haute et forte que celui-ci ouvrit avec empressement à la voiture de sa maîtresse. L’intelligence de cet homme, à en juger par sa physionomie, était inférieure à celle du dogue, il tenait à la fois du chien et du mouton. Sa pensée, ne dépassait pas le seuil de la porte, ni en dedans ni en dehors. Mme Helmina se mit à beaucoup parler pour dissiper la tristesse de la mère Nicole. Louise et Sophie se montraient les vitraux, les tableaux, les tentures, c’était un étonnement sans fin. Le parloir, tendu de blanc et de bleu, avait de douces lumières à travers les grands lys des vitraux ; il était décoré de tableaux représentant des jeunes filles en blanc ou des scènes de l’enfance du Christ, une vierge de marbre sur son piédestal semblait présider. Tout cela était bien luxueux pour une maison destinée à des enfants pauvres qui ne faisaient qu’y passer. Mais la donatrice était fantasque, cela répondait à tout. Le comte de Méria avait dirigé lui-même la construction, les décorations et les moindres détails de l’établissement. A la vue de toutes ces magnificences la mère Nicole hochait la tête, mais on lui fit visiter les grandes chambres bien chauffées, où étaient réunies les enfants et cela remit tout à fait dans son assiette l’excellente femme. C’était cette petite Angèle, qui l’avait impressionnée, avec ses folles craintes. Le règlement de la maison était des plus simples — les enfants étaient totalement confiées à Mme Helmina. Un médecin, disait-elle, était attaché à l’établissement, aucun des parents ne l’y avait jamais vu, mais quoi d’étonnant à cela, il avait ses heures. Personne ne mettait en doute l’existence de ce médecin invisible. La chapelle, était pleine d’ex voto dont personne ne connaissait les auteurs mais on était en pays de miracle et d’infaillibilité. D’ailleurs qui avait intérêt à aller au fond des choses ? Le logement de l’aumônier avait été préparé, mais ayant réfléchi, on n’avait pas voulu qu’un homme, fût-ce un prêtre, habitât à Notre-Dame-de-la-Bonne Garde. Mme Helmina éblouissait la mère Nicole avec une parade habilement montée et que l’arrivée d’une jeune fille de seize à dix-sept ans vint interrompre. C’était une nouvelle institutrice, envoyée par le père Davys-Roth lui-même. On ne faisait pas travailler les enfants, mais on les instruisait par des causeries. Les enfants étaient réunies sous la surveillance d’une femme de chambre, en attendant l’institutrice, l’avant-dernière personne qui avait porté ce titre à NotreDame-de-la-Bonne-Garde, ayant fait, grâce au seigneur, un riche mariage. Ceci était vrai, mais le seigneur s’était fait représenter par Nicolas qui s’intéressait beaucoup à l’institutrice. La dernière n’était restée que peu de jours, — elle était retournée dans sa famille.