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LA MISÈRE

439 Le notaire. Il y en a tant de Bonapartistes. Le notaire prit un air pincé, les témoins, Léon-Paul et le malade lui-même se mirent à rire. « Par ce legs, » dit M. de Saint-Cyrgue redevenu grave, « j’entends témoigner mon n mépris à l’illustre coquin qui a fait rétrograder l’humanité. Puissent tous ceux qui seraient tentés de l’imiter, saisir mon allégorie ; comprendre enfin qu’ils sont devenus les poisons de la race et que notre devoir comme notre santé, nous oblige à les vomir. » Le millionnaire recommença à dicter : « 2° Je donne, à la ville de Paris, 4 millions de francs afin qu’elle puisse com* mencer, aux quatre coins de la grande cité, des internats où les enfants de l’ou « yrier trouveront au prix le plus modique, pendant la période de transition so• ciale, un milieu convenable à leur développement intégral. » « Cette donation » dit M. de Saint-Cyrgue en s’adressant à Léon-Paul, « < est destinée à faire cesser les justes récriminations du prolétaire qui accuse avec raison la République française de ne pas avoir su créer des établissements qui lui permettent de fermer les jésuitières de bas étage où l’on exploite l’enfance du peuple, et où elle est systématiquement démoralisée. Ce que les gouvernements ne font pas appartient à l’initiative privée. Il reprit sa dictée : << 3° Je donne à Mlle Blanche de Méria, ma parente, une somme de trente mille francs, afin de lui faciliter les moyens de devenir ce qu’elle a voulu paraître à << mes yeux. «  Puis venaient différents legs à des serviteurs, des présents à des amis. Le comte donnait sa bibliothèque à la ville d’Issoire et ses tableaux à son petit cousin Gaspard de Bergonne. « < Et maintenant, » dicta M. de Saint-Cyrgue, dont la voix s’élevait, passons à mon légataire universel… Les témoins ouvrirent de grands yeux. Quoi ! après les dons énormes qu’il venait de faire, il restait encore quelque chose à ce vieillard ? « Le reste de ma fortune, meubles et immeubles, » poursuivit le comte, « le reste de ma fortune, que j’évalue au minimum à DIX-NEUF MILLIONS, appartiendra, « < en toute propriété, pour en user selon son bon plaisir, à… Le testateur se tourna vers le maître d’école : « Quels sont vos noms et prénoms ? » demanda-t-il. Le balayeur répondit : Léon-Paul (Julien). Le comte recommença : « Pour en user selon son bon plaisir, à Léon-Paul (Julien), ancien maître d’é « < cole et balayeur de la ville de Paris. << Monsieur ! » cria Léon-Paul, « je refuse. » Et pourquoi ! Y pensez-vous, monsieur de Saint-Cyrgue, une telle responsabilité !… Je ne suis pas capable… Si vous n’êtes pas capable, vous chercherez quelqu’un qui le soit. Je m’en