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tous les nobles russes qui, par un entraînement que je ne puis comprendre, viennent ici gagner leur pain, laissant derrière eux toutes les douceurs de la fortune et se font peuple pour mieux connaître les douleurs et les besoins du prolétariat, qu’ils ont juré d’affranchir. www Ha elle était au courant de toutes ces choses ? Oui, elle en faisait son étude favorite. Eh bien, je vous assure qu’à votre âge, j’aurais aimé une telle femme, précisément pour les côtés qui vous séparaient d’elle. Pourquoi n’avez-vous pas tenté un noble effort sur vous ? La récompense en valait la peine. Oh j’ai fait le possible, vous allez voir. Tant mieux ! tant mieux ! — J’avais fait installer, dans mon hôtel, un petit atelier d’ébénisterie, et tous les jours, un maître artisan de cette industrie, venait me donner deux heures de leçons. Mais ce n’était pas là le compte de mon amie. Vraiment ? Cette charmante, mais trop originale personne, demandait, exigeait que je me mêlasse à la vie ouvrière.. De mieux en mieux ! — C’était, disait-elle, indispensable pour connaître le peuple, ses besoins, son génie et les ressources qu’il offrait à l’emploi de la richesse équitablement réglée. Mais cette femme-là est incroyable. -N’est-ce pas ? Et ce n’est pas tout, elle prétendait m’imposer la création d’une feuille quotidienne, uniquement destinée à éclairer le travailleur sur ses droits et ses devoirs. Ho ! pour le coup, c’était trop, vous avez refusé ? — Net. Trop tendue, la corde casse. Devant des prétentions qui ressemblaient aux épreuves imposées par ces dames aux chevaliers des cours d’amour, j’avais d’abord renoncé à un mariage qui détruisait toutes mes habitudes, tous les privilèges de ma naissance et de ma fortune. Et vous voilà guéri de votre passion ? Guéri ?… Je l’aime plus que jamais ! Il faut à tout prix que je la revoie, que je lui parle, que je tente un dernier effort… Bravo ! Et si pour la décider il n’y a qu’à endosser la blouse et prendre le rabat… Mais vous m’avez dit, tout à l’heure, que vous étiez résolu au célibat ? Un léger embarras fit de nouveau rougir le jeune homme « Baste ! » reprit-il, « la bouche disait ce que le cœur démentait. » Avant d’aller chez son cousin, Mlle de Méria se rendit chez le révérend DavysRoth. Elle y trouva son frère. Le comte de Méria, alléché par les perspectives de la succession, était venu prendre des instructions auprès de ses maîtres. Les trois complices eurent ensemble un long entretien dans lequel fut discuté et adopté le plan d’une campagne contre les millions de M. de Saint-Cyrgue.