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« Bien joué ! infâme ! bien joué ! parjure !… N’espère pas me tromper avec ta comédie de larmes. Je croirais la dernière des créatures qui me ferait le serment que tu viens de me faire ! mais toi, je ne te crois pas !… — Ayez pitié de moi, Gustave ! ayez pitié de moi ! >> “ — Pitié de toi !… jamais jamais !… Pour trahir une confiance comme la mienne, un amour comme le mien, il t’a fallu une perversité immense ! Je ne te crois pas ! Je le répète, ton enfant est un bâtard ! le bâtard d’une femme perdue et d’un mendiant que j’avais tiré de la misère ! » > << Valentine se releva avec effort et, toute chancelante, alla s’asseoir, regardant à travers la fenêtre, comme pour chercher au ciel la miséricorde qu’on lui refusait sur la terre, et dit : — » Ce que je viens de souffrir me sera compté dans l’expiation, n’est-ce pas, mon Dieu ? »
- Sa tête se renversa sur le dossier de son fauteuil, ses yeux se fermèrent, sa
bouche s’entr’ouvrit, une pâleur de mort couvrit son visage. Ses cheveux, naturellement écartés de son front, tombèrent autour d’elle comme un manteau royal. Ah ! juste ciel ! » dit Gustave en la considérant, « est-ce que je l’ai tuée ? Est-elle morte ?… Tant mieux, tant mieux. Je préfère qu’elle soit morte, moi… on peut pardonner à une morte !… >> « « Et il se tenait debout près d’elle, la dévorant du regard, souffrant cette torture, oubliée dans l’enfer du Dante, d’épier dans ce qu’on aime les symptômes de la mort, craignant d’y constater ceux de la vie. »
- En ce moment apparut la première lueur du jour. Elle fut saluée par une
salve de coups de fusil. C’était le commencement de la fête. » << Un bruit.confus se fit devant la grille : les jeunes gens de l’orphéon nouvellement créé à Saint-Bernard venaient donner l’aubade aux habitants du château. C’était dans le programme. » > << Ils débutèrent par un chant rustique dont Artona avait composé les paroles et Valentine la musique. Cela s’appelait Les recommandations du laboureur : I « < Lève-toi, ma bonne compagne, Lève-toi, l’aurore a teinté Le pic aigu de la montagne ; Lève-toi, le coq a chanté. Oh ! dit Gustave, en proie à une sorte de délire, « je ne voudrais pas que tu te lèves jamais, toi, Valentine ! Dors, ma compagne, dors du sommeil des morts, et que rien ne te réveille ! » « Les voix continuèrent : Garde bien les enfants, garde bien la demeure : Que ton œil vigilant veille à tout à la fois. Dieu fait pousser le blé ; que le pauvre, à toute heure, Trouve, avec bon accueil, du pain sous notre toit.