341 « < Ils ont été ravis de les travailler avec moins de peine, en se servant de machines. » Comment, ces brutes malfaisantes ont compris les avantages de l’emploi des machines ? » Certainement, et bien d’autres choses encore Les instructions morales qu’on leur a données leur ont assez fait comprendre que leur misère était le fruit de l’isolement de leurs forces et leur prospérité présente, celui de l’union. Voyant que l’intérêt de chacun ressort de l’intérêt de tous, nous n’avons eu aucune peine à les décider à des associations mutuelles qui garantissent tous les fruits de leur travail. Et demain, s’il plaît à Dieu, le notaire de la commune en fixera les destinées sur papier timbré. » « < Monsieur, » dit un vieux conventionnel qui n’avait encore ouvert la bouche que pour manger, « vous avez bien mérité des hommes ! » ((_ Bah ! reprit le gentilhomme sceptique, « le marquis fera beaucoup d’ingrats et pas autre chose. Comme lui j’ai eu mon moment de folie ; j’ai voulu faire le bien en général ; ce bien m’est retombé sur la tête en cascade de désagréments. J’en suis revenu. » « Les dames avaient entre elles de ces bouts de conversations : (― — Vous avez une robe délicieuse. » << Vous trouvez ? Une méchante occasion. Le bon marché m’a décidée, vingtdeux francs le mètre. » > » C’est pour rien. » > Dites donc, ma chère, je trouve notre marquise un peu sérieuse. ▸ Un peu revêche, voulez-vous dire : c’est à peine si elle daigne répondre aux gracieusetés qu’on lui débite, chaque parole a l’air de lui coûter un effort. » « On lui prête cependant beaucoup d’esprit. » — Peut-être, vient-elle de le rembourser. > — C’est possible après tout. D’ailleurs elle est si belle et si riche, qu’elle peut se passer des autres qualités. > « Belle ? Vous la trouvez belle ? — Je n’ai là-dessus aucune opinion personnelle, je suis myope ; mais tout le monde est d’accord pour reconnaître énormément de beauté à madame de Bergonne. » « Excepté moi, ma chère, sa figure n’est pas de mon goût. Elle a, en ce moment, quelque chose de bouleversé qui ne l’embellit pas. Elle est d’une pâleur cadavéreuse. » « Valentine fut obligée de quitter la table. Elle se sentait mourir. » — » Mais qu’as-tu donc ? » lui demandait Gustave « qu’as-tu donc ? rassuremoi, je ne suis pas maître de mon inquiétude. Ma vie, je le sens, est toute en toi ! >> Ce n’est rien ! ce n’est rien ! répondait la malheureuse femme en s’efforçant de sourire, l’air me remettra. Vous êtes trop bon, en vérité vous l’êtes trop. Qu’ai-je donc fait pour mériter tant d’amour ? Vous ne devez pas m’aimer ainsi. Vous êtes aveugle sur mon compte, vous me connaissez mal… vous ne voyez pas mes défauts… »
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LA MISÈRE
