223 MAXIS DE PONT-ESTRADE A ARTONA. « Jeune amant de la beauté. » « Toi qui rêves de Vénus Calypige et t’amouraches des restes de celle de Milo ; toi qui cherches l’idéal des formes dans une fille d’Eve, viens. » « Diable ! non, ne viens pas. Vous êtes jeunes tous deux, tous deux au mois d’avril de la vie ; ce serait une affaire bâclée ! Vous n’avez le sou ni l’un ni l’autre, et moi, indigne cousin de la comédie, je n’aurais pas de quoi dorer les nœuds de votre hymen ! » > << Mort de ma vie ! A quoi donc pensais-je quand je te disais de venir dans ce nid de chouette où s’est fourvoyée notre colombe ? >> « J’ai oublié de te dire tout d’abord qu’il s’agit de ma petite cousine, la fille du comte Paul de la Roche-Brune, le plus fort chasseur connu depuis Nemrod ; un vrai gentilhomme taillé comme l’Hercule de Farnèse. » « Ma Valentine — elle s’appelle Valentine, est la petite fille de ce fameux Roche-Brune dont je vous ai raconté l’histoire, à Gustave et à toi, ce RocheBrune, espèce d’autruche à grains d’épinards qui mangea en un quartier d’hiver, quatre châteaux, trois forêts, plusieurs hôtels à Paris et laissa à son fils une foule de carcasses. » « Je te disais de venir ! Non pas, mon drôle, laissons mon étoile dans le ciel, et sous prétexte qu’elle a quinze ans et que vous en avez vingt, ne la jetons pas dans la vallée de misère. Si tu la voyais, tu l’aimerais (je parle de Valentine et non de la misère) si tu l’aimais, tu voudrais l’épouser. » > It Quelle folie ! » Épouse la gloire, mon garçon, épouse cette veuve de tant de maris morts à l’hôpital, il n’y aura que toi de malheureux, tandis que si tu épousais ma Valentine… » « Tu es habile, Artona, et la nature t’a fait peintre. Si ce qu’ont dit de la parole certains farceurs littéraires est véritable, tu peux, sur ce que je vais te conter faire un portrait de ma cousine. » « < Prends ton pinceau, jeune rapin, charge ta palette des plus riantes couleurs, et toi et moi, comme les maîtres de l’art, commençons par l’ensemble. » « L’ensemble, saprelotte ! Je m’aperçois qu’un tableau est comme une histoire, il lui faudrait une introduction. Une belle femme est une synthèse qui nous mènerait au déluge. » « Mets donc sur ta toile la taille de Diane chasseresse. Et maintenant, encadre de lourdes tresses blondes le visage de l’une des vierges du Titien. Sous des cils d’or, allume des yeux d’un bleu de pervenche avec ces reflets électriques, chauds reflets de grandes âmes et des cœurs puissants. Mets la pensée dans un beau front, le sourire sur des lèvres rouges, entr’ouvertes comme pour laisser voir des dents… je ne te dis que ça ; il faut les voir ainsi que le nez mignon aux narines vermeilles, et le menton à fossettes et les joues veloutées. Étends sur tout cela un vernis d’innocence, de grâce et de candeur, la carnation d’une rose de Bengale et Je portrait est fini. » « <
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LA MISÈRE
