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LA MISÈRE

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(1 Ce que vous dites-là est impossible, objecta le notaire, Henri de Bourbon est à Londres. >>> «  — Oui, oui, à l’ombre ! à l’ombre ! vociférèrent les paysans dont la plupart ne connaissaient la République que par ses excès et ne voyaient dans cette seconde aurore de la grande Révolution qu’un retour au partage des terres. » « Pénétrer dans la maison de la rue du Chien, dont les habitants passaient pour scandaleusement riches, était donc une perspective affriandante pour le troupeau des vestes grises. Il n’y eut qu’une voix pour une visite domiciliaire. On se leva en tumulte pour y courir. »

  • Madozet s’élança à la tribune et arrêta la foule. Le prestige de la richesse

lui rendait tout facile : là où l’éloquent Artona n’avait pu se faire entendre, on fit silence pour écouter le parvenu. » << Madozet voulait aller chez celle qu’il avait appelée la Marquise, muni, comme laissez-passer, d’une sorte de mandat public qui ferait ouvrir devant lui les portes mystérieuses de la rue du Chien. »

  • Citoyens, » commença-t-il, comme candidat à la députation, je voulais ce

soir faire ici ma profession de foi. Mais les actes vaudront toujours mieux que les paroles. L’incident soulevé par Bourasson me force à m’occuper de questions d’un ordre plus élevé. La présence dans notre ville d’un prétendant au trône, serait un danger public qu’il faut conjurer. Mais, citoyens, pour réussir à faire cette importante capture, il ne faut pas aller donner l’éveil au gibier. Y aller tous serait une imprudence. Chargez-moi de reconnaître le terrain et nous agirons. » Bravo bravo ! Allez-y et revenez vite ! » Ainsi, vous m’ordonnez d’aller à la rue du Chien ? » (1->> Oui ! oui ! » Non non nous irons bien nous-mêmes ! criaient les paysans. Mais la majorité de la salle avait confiance en Madozet. Il l’emporta par un vote motivé. «  Prenez garde d’être emblousé par ces aristocrates, cria une voix. » > << Madozet eut un sourire narquois qui en disait long. » Avant la fin de la séance, répondit-il, vous saurez à quoi vous en tenir. » > « Il salua et sortit de la salle dix minutes après Artona. » « — Vive Madozet ! » Vive la République ! ▸ . A bas les aristos ! » “ 1 A bas les rats ! »

  • Tels furent les cris qui accompagnèrent Madozet jusqu’à la porte.

» « Le cœur gonflé, les yeux humides, Artona se promenait sous les arbres de la place qui s’étend devant la salle où le club tenait alors ses séances. Il écoutait les clameurs furieuses qui s’échappaient de cette étrange école politique. »

  • — J’espère que tu en as assez, hein ! » dit une voix railleuse tandis qu’une

main se posait sur l’épaule du président. « < Tous les hommes sont fous, le diable m’emporte ! >