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LA MISÈRE

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Cet aimable frère, pour lequel elle avait des faiblesses de mère, quoiqu’elle fùt plus jeune que lui, avait ruiné sa sœur. Mais elle ne lui en voulait pas trop, elle concevait ces appétits chez un homme de sa caste. D’ailleurs, elle ne savait pas tout et avait une certaine confiance en elle-même pour l’avenir. Hector, pour restituer à Blanche ce qu’il lui devait pour la doter avait compté jusque là, sur quelqu’aubaine financière. Mais rien ne lui ayant personnellement réussi, il s’était tourné vers la compagnie de Jésus plus solide, plus généreuse que les faiseurs auxquels il avait aidé à garnir leur caisse de l’argent des jobards de toutes nuances. En attendant que la chance tournât pour lui, Méria se ruinait en promesses données à Blanche avec une libéralité toute patricienne. Eh bonjour, ma Blanchette, dit le comte en entrant. Je t’attendais, voilà pourquoi je ne suis pas venu plus tôt. Est-ce que je suis libre ? Est-ce que je puis sortir quand je veux ? demanda aigrement Mlle de Méria. C’est vrai. Mais l’affaire en vaut la peine et si tu avais pu te débarrasser de ta petite chenille, nous aurions été plus à l’aise chez moi, pour causer de nos affaires. Oui, mais c’était impossible : cette Rousserand est d’une exigence ! et, pour avoir un instant de loisir, j’ai dû feindre une indisposition. Quel ennui ! Enfin, cela ne durera plus longtemps. As-tu écrit à nos amis. Sans doute. · Auras-tu le manuscrit à temps ? — Je n’en suis pas sûre, mais je l’espère ; nos amis sont aussi actifs que puissants. Je le sais. Ce ne sont pas eux qui laisseront passer l’occasion. Et si depuis que tu es entré dans leur giron… si tu avais voulu… Je t’en prie, ma chère sœur, ne parlons pas de ce qui aurait pu être mais de ce qui sera. L’avenir nous amène le Pactole et tu n’es pas contente. Nous n’y nageons pas encore. — Nous y nagerons, nous y plongerons, nous y barbotterons, sois tranquille. — J’admire ta confiance. — Elle a sa raison d’être ; Me de Vilsord arrive demain matin. Elle sera là vers les huit heures ; tâche d’être libre pour la recevoir. Elle t’apporte toutes les instructions nécessaires pour faire le siège du gaillon et s’en emparer. C’est bien aimable de sa part, mais quel intérêt ?… · Le sien, ma chère. La bonne dame a les dents longues et désire mordre au gâteau, un peu trop, peut-être. N’y a pas grand mal à ça : promets-lui tout ce qu’elle demandera, nous verrons après ; surtout, pas d’écrit. Les paroles n’engagent à rien. Toutes tes recommandations sont superflues, mon cher Hector, je sais aussi bien si ce n’est mieux que toi ce qu’il faut que je fasse. D’ailleurs, en toutes choses, j’agirai d’après le conseil de nos amis.