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INTRODUCTION

création de l’homme, où Dieu, un bras et une main tendus, semble donner à Adam ses ordres et ses défenses ; tandis que, de l’autre bras, il recueille ses anges. Dans le cinquième, d’une côte d’Adam le Créateur fait naître la femme, qui, s’avançant les mains jointes étendues vers Dieu, s’incline avec un doux sourire et semble remercier celui qui la bénit. Au sixième, on voit le démon en forme humaine depuis le milieu de son corps ; l’autre partie est celle d’un serpent, et les jambes transformées en queue contournent un arbre ; il semble qu’il raisonne avec l’homme et l’induise à mal faire contre son Créateur, tandis qu’il présente à la femme la pomme défendue. Dans la deuxième partie de ce même carré, on voit l’homme et la femme chassés par l’ange et, épouvantés et dolents, fuir la face de Dieu. Le septième est le sacrifice d’Abel et de Caïn, l’un agréable à Dieu qui l’accepte, l’autre odieux et réprouvé. Le déluge est représenté dans le neuvième, où l’on voit l’arche de Noé au milieu des eaux ; tandis que, sur les bords, des grappes humaines essayent de se suspendre à cette nef. Sur la même mer, plus près des bords, on voit un vaisseau chargé de diverses foules ; mais, soit que celles-ci le surchargent trop de leur poids, soit que la violence des flots et la perte des voiles les aient privées de tout secours humain, on les voit déjà victimes de l’abîme se perdre dans le seaux et s’en aller au fond. C’est chose effrayante de voir l’espèce humaine périr aussi misérablement sur les eaux. Plus près de l’œil du spectateur, apparaît encore sur les eaux la cime d’une montagne : on dirait d’une île où, fuyant les eaux qui s’avancent, s’est réfugiée une multitude d’hommes et de femmes montrant des sentiments divers ; mais tous, misérables et épouvantés, se traînant sous une tente repliée contre un arbre, pour s’y défendre de l’envahissante pluie : au-dessus d’elle, avec un art supérieur, est représentée la colère de Dieu qui se déverse sur cette humanité avec les eaux, la foudre et ses flèches de feu. Du côté droit et bien plus près des yeux du spectateur, il y a un autre sommet de montagne et une autre multitude en proie aux mêmes affres, dont il serait long de décrire les attitudes diverses ; qu’il me suffise de dire qu’elles sont toutes naturelles et formidables et telles qu’on n’en peut imaginer de plus lamentables, en un tel cataclysme. Le neuvième tableau, qui est le dernier, représente l’histoire de Noé, lorsque, ivre, gisant à terre et laissant voir toute sa nudité, il fut raillé par Cham et recouvert par Sem et Japhet. Sous la corniche déjà indiquée qui confine à la paroi du mur et sur les piédouches où les cintres se posent, entre pilastres et pilastres, sont assises douze figures de Prophètes et de Sibylles, toutes admirables vraiment tant par leur attitude que par la variété et l’harmonie de leurs vêtements. Mais le plus admirable de tous est le prophète Jonas, placé en tête de la voûte. Semblant soutenir à lui seul les autres parties de cette voûte, à force de lumière et d’ombre il tend son torse en raccourci vers la partie la plus voisine de notre œil, lorsque les jambes qui en ressaillent semblent occuper l’autre espace. Œuvre étonnante et qui proclame la science de cet homme capable de faire tourner les lignes en raccourci et en perspective. Dans les espaces compris sous les cintres et dans celui du haut qui figure un triangle, Michel-Ange a peint toute la généalogie du Sauveur. Dans celui qui voisine avec la façade du Jugement dernier, à main droite, on voit Aman mis en croix par ordre du roi Assuérus. Dans un autre, ou voit l’histoire du Serpent de bronze élevé par Moïse