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MICHEL-ANGE.

vous plonge dans la luxure, l’envie vous rend ingénieux et prompts pour la perte d’autrui ; et, dans vos insatiables désirs, vous oubliez combien courte est la vie, combien sont bornés nos besoins


VI

Nos pères, dans les premiers âges, se contentaient d’eau pour boisson, de glands pour nourriture. Que leurs leçons vous éclairent ! Que leur exemple vous guide et mette un frein salutaire à votre intempérance, à vos dérèglements. Prêtez à mes discours une oreille attentive : ceux qui gouvernent le monde, qui le remplissent de leur grandeur, ont encore des désirs et ne peuvent trouver cette paix délicieuse que le villageois goûte avec ses troupeaux.


VII

Parée d’or et de pierreries, mais l’inquiétude dans les yeux, la Richesse marche triste et pensive ; le vent et la pluie la troublent, les augures et les prodiges l’occupent. La Pauvreté joyeuse, en fuyant les trésors, en acquiert de plus véritables, sans songer ni quand ni comment ; et, libre sous ses habits grossiers, elle vit au milieu des bois, loin des soucis, des procès et de la servitude.


VIII

Les arts et leurs progrès, les rivages recherchés et bizarres, et le doit et l’avoir, et le mieux et le pire, tout cela est indifférent au villageois. Ce qui l’occupe, ce sont les bois, les prés, les eaux et le laitage. Pour faire un compte, ses doigts et ses mains calleuses lui tiennent lieu de plume et de papier. Il ignore ce que c’est que l’usure et, sans inquiétude, il s’abandonne au sort.


XI

Le premier objet de ses soins, c’est la fécondité de sa vache, c’est la croissance de son jeune taureau. Plein de crainte et d’amour pour le Créateur, il appelle les bienfaits célestes sur ses champs et sur ses troupeaux. Les si, les mais, les comment, les pourquoi, toutes ces subtilités dangereuses lui sont entièrement étrangères. Sa vie simple et pure est agréable à Dieu et rend le Ciel propice à ses prières.