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CORRESPONDANCE

III

Ludovic Buonarroti à son fils Michel-Ange.
Florence, 10 décembre 1500.0000


Je vois que tu as avance un peu dans tes affaires, et je constate l’amour que tu gardes pour tes frères. C’est pour moi une très grande consolation.

Quant à l’argent que tu voudrais placer dans une boutique que tiendraient Buonarroti et Giansimone, je cherche et je cherche encore, sans le trouver, le parti qui me plairait. Il est vrai que j’ai en mains quelque bonne affaire ; il faut ouvrir les yeux et bien voir avec qui on s’entremet. Je veux aller doucement et sur de bons avis ; et, de tout cela, je te ferai part au jour le jour.

Buonarroti m’a dit comment tu vis là-bas, en grande épargne et même misérablement. L’épargne est bonne, mais la misère est mauvaise. La parcimonie est même un vice qui déplaît à Dieu et au monde et qui, de plus, fera mal à ton âme et à ton corps. Tant que tu seras jeune, tu supporteras quelque peu ces privations ; mais, comme la force manque à la jeunesse, on se découvre dans la suite des maladies et des infirmités engendrées par ces privations et par cette habitude de vivre mal, comme dans la misère. Je le répète, l’économie est une qualité. Mais surtout garde-toi de vivre misérablement. Use plutôt de modération et ne t’épuise pas. Garde-toi surtout de ruiner ta santé ; car si tu devenais infirme dans ton métier ? (que Dieu t’en préserve !) tu serais un homme perdu. Veille surtout bien à la tête, tiens-la modérément chaude et ne te lave jamais : fais-toi frictionner, mais ne te lave pas. Buonarroti me dit aussi que tu as un côté gonflé : ceci provient de tes privations, de tes fatigues, de manger des choses mauvaises ou gazeuses, de souffrir le froid ou l’humidité aux pieds. J’ai éprouvé aussi jadis le même mal, et souvent aujourd’hui encore j’en ai l’ennui quand je mange des choses azotées ou que je pâtis le froid et autres choses semblables. Notre Francesco a eu autrefois ce mal aussi, et Gismondo semblablement. Il faut prendre garde à tout cela ; le mal de tête est périlleux, en raison du tympan qu’il menace d’ouvrir. Veilles-y. Je te dirai le remède que (lorsque j’en étais affecté) j’employais. Je restais plusieurs jours à ne manger que du pain bouilli, ou du poulet, ou des œufs ; je mettais à la bouche quelques graines de cassia et je faisais une farinée de pois cassés, de rose sèche et de persil, le tout dans une casserole et arrosé d’huile rosée et d’huile de camomille,… et en quelques jours je me guérissais. Prends-y garde, c’est dangereux.

0000(Arch. Buonarroti.)



IV

Michel-Ange à son père.
Bologne, 8 février 1507.0000

J’ai reçu, aujourd’hui, votre lettre qui m’apprend que vous avez été avisé par Lapo et Ludovic. Il me plaît que vous me repreniez lorsque je mérite de