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CORRESPONDANCE

difficultés je me trouve. Il n’est pas à propos d’envoyer Michelagniolo, parce que je suis sans femme et sans service et que le petit est encore trop jeune ; il pourrait en arriver quelque ennui dont je serais fort mécontent. Il y a aussi que le duc de Florence, depuis un mois, fait grand effort pour que je m’en retourne au pays, où ses belles promesses m’attendent. Je lui ai demandé assez de temps pour arranger mes affaires et pour me laisser achever la construction de Saint-Pierre ; en sorte que je crois rester encore ici, tout cet été prochain. Quand j’aurai dépêché mes affaires et les vôtres, concernant le Mont de la Foi, l’hiver prochain, je m’en retournerai pour toujours à Florence, parce que je suis vieux et que je n’ai plus le temps de revenir à Rome. Je passerai alors par chez toi, et si tu veux me donner Michelagniolo, je le garderai à Florence avec plus d’amour encore que les enfants de mon neveu Leonardo. Je lui enseignerai ce que son père désirait qu’il apprît. Je n’ai eu ta dernière lettre qu’hier, 27 de ce mois.

0000(Arch. Buonarroti.)



LXIV

À Giorgio Vasari.
Rome, mai 1557.0000

Messer Giorgio, mon cher ami, je prends Dieu à témoin que c’est contre ma volonté et avec la plus grande répugnance que je me chargeai, il y a dix ans, par ordre du pape Paul III, de la construction de Saint-Pierre de Rome, et que, si l’on avait continué à y travailler comme on le faisait alors, cet édifice serait aujourd’hui arrivé à un point qui me permettrait d’aller à Florence, comme je le désire. Mais le manque de fonds a tout ralenti, précisément au moment où nous sommes arrivés aux parties les plus importantes et les plus difficiles. Si j’abandonnais la partie, je me couvrirais de honte ; et ce serait, d’ailleurs, un péché de perdre le prix de toutes les peines que j’ai endurées, pendant ces dix années, pour l’amour de Dieu. Si j’entre dans ces détails, c’est pour répondre à votre lettre et à celle du duc, qui me traite avec tant de bonté que j’en suis grandement touché. J’en rends grâces à Dieu et à Sa Seigneurie, autant que je le sais et que je le puis. Mais je sors de mon sujet, parce que je perds la mémoire et la tête. Écrire devient pour moi une chose d’autant plus pénible que ce n’est pas mon art. Je conclus enfin en vous laissant comprendre ce qui s’ensuivrait, si j’abandonnais la bâtisse de Saint-Pierre ; d’abord je rendrais bien contents beaucoup de fripons, ensuite j’occasionnerais la ruine de ce grand monument, qui peut-être ne serait jamais achevé.

0000(Arch. Buonarroti.)