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devaient empêcher le mal. En parlant de la sorte, ils regardaient le sérail, et se regardaient l’un l’autre avec un sourire amer où se peignait leur mécontentement.

Nous sommes revenus à Péra, et vers les quatre heures du soir, nous avons été diner chez le colonel Namik-Bey, dont le régiment occupe la grande caserne de Scutari ; le colonel a un kiosque ou maison de plaisance, au-dessous du grand champ des morts : c’est là que nous nous sommes rendus. On nous a fait entrer dans un belvédère, donnant sur le Bosphore ; la vue y est ravissante ; le jardin que nous avons traversé est presque sans culture, et n’offre que l’aspect d’un lieu stérile et sauvage. L’appartement dans lequel nous sommes entrés est très-simple ; point de glaces, point de tapisseries, quelques nattes, un sofa circulaire, voilà tout l’ameublement. Le couvert était, déjà mis pour le diner ; c’étaient une petite table ronde, haute d’un pied et demi, des serviettes brodées en or, de longues cuillers de bois, un vase de terre rempli d’eau. On avait servi d’avance la salade, des raisins et des cornichons. Je commençai par là à me faire une idée de la manière de vivre des Turcs ; ils n’ont pas de grandes tables comme nous, ils n’ont pas même de salles à manger ; on ne sait pas en Turquie ce que c’est que nos repas de société, nos diners d’invitation. Les grands comme les petits, les riches comme les pauvres, mangent presque toujours