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oreiller où les empires s’endorment du sommeil éternel.

Nous avons pris un caïque pour traverser le port ; les rameurs étaient deux Turcs, qui nous ont paru être du parti de l’opposition. Comme on démolit la caserne des Bombardiers, bâtie près du havre, nous leur avons adressé quelques questions. « La mode aujourd’hui, a dit l’un d’eux, est de tout changer ; les pierres ont aussi leur révolution. » La passion du sultan est de faire démolir les édifices publics, pour les réédifier sur un plan nouveau. Cette passion, fort dispendieuse d’ailleurs, n’est pas faite pour plaire aux Turcs, qui ne sentent pas même la nécessité de réparer une maison qui peut les écraser sous ses ruines. Pendant que nous parlions ainsi de la démolition des casernes, nous avons vu passer près de nous un caïque rempli de femmes qui chantaient et qui paraissaient.dans un état d’ivresse. « Ce sont des femmes turques, nous dit, un de nos rameurs, qui viennent des montagnes (rendez-vous des débauchés dans les environs de la capitale). On voit tous les jours, maintenant de pareils scandales ; on n’aurait pas souffert cela autrefois ; rien de semblable n’arrivait dans le temps où un mari pouvait tuer sa femme infidèle. » Ce sont ici les expressions littérales de nos deux rameurs turcs. Ils ajoutèrent à ce qu’ils venaient de dire qu’on ne pouvait pas s’attendre à autre chose quand les mauvais exemples venaient de ceux-là même qui