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et sortit pour consulter les hommes de la loi. En sortant de chez lui, il fait une chute ; il est reconduit dans sa maison blessé grièvement ; il meurt peu de jours après. Sa femme, au contraire, revint à la santé, et c’est-elle qui disposa des biens de son mari. Le supérieur des derviches termina son histoire par cette moralité : Quand la flèche de la fatalité est lancée, le bouclier de la prudence ne saurait nous en préserver.

Je n’ai pas besoin de vous faire observer que dans la discussion, les Turcs emploient rarement le syllogisme bien qu’ils connaissent la logique d’Aristote. Ils se contentent de citer un fait historique, un apologue, quelques passages d’un moraliste ou d’un poète. Pour achever notre conviction, et pour répondre aux doutes que je lui avais exprimés, en lui montrant le cimetière de Saint-Dimitri, notre vieux derviche a fini par nous réciter une épitaphe en vers turcs ; en voici la traduction littérale « Ma demeure est le sommet des montagnes. Plus ne m’occupe de ce qui se passe dans la plaine. J’ai bu le sorbet du destin. Plus n’ai besoin du secours de Lokman. » Pour entendre cette épitaphe, il faut savoir que Lokman est ici le nom d’un médecin et que le sommet des montagnes désigne un cimetière ; les Turcs aiment à se faire enterrer sur les hauteurs, et choisissent toujours pour leur sépulture un lieu apparent. J’ai demandé à ce grand partisan du fatalisme s’il appliquait sa doctrine aux