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arrive dans la plaine de Troie, est venu déranger pour quelque temps notre manière de vivre ; je vous ai dit que je m’étais fait une contusion au pied ; cette contusion ayant été négligée, m’empêchait de marcher ; M. Poujoulat me disait que j’avais été blessé au pied comme le fils de Thétis ; cette blessure, toute poétique qu’elle était, me faisait beaucoup souffrir ; la petite ville de Kounkalé n’offrait aucune ressource. En relisant l’Iliade, j’ai vu que le brave Hector, ayant été blessé dans les retranchemens des Grecs, lava sa blessure dans le Simoïs, et qu’il se trouva tout à coup guéri ; ce remède était à notre portée, et nous n’en avions point d’autre ; on m’a conduit à l’embouchure du Simoïs. Une haie de saules pleureurs ombrage le fleuve ; un sable fin couvre la rive ; ce lieu semble consacré aux nymphes ; après être resté une demi-heure dans l’onde propice, j’en suis sorti, très-soulagé ; j’étais tout fier, quand je suis revenu dans notre gîte, car ce n’est pas une petite gloire, dans la vie d’un homme de lettre, que d’avoir été, dans la même semaine, blessé comme Achille et guéri comme Hector.

Toutefois, j’étais obligé de garder de grands ménagemens, et je me suis interdit les longues promenades ; toutes les courses que je me permets consistent à visiter le tombeau d’Achille et les environs de Kounkalé. Forcé de rester souvent au logis, je n’ai pas tout à fait perdu mon temps ; les habitans