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sait pour nous arracher des larmes, il nous faudrait passer notre vie à pleurer. Beaucoup d’infortunes frappent tous les jours nos regards, et ne nous inspirent qu’une vague compassion ; mais lorsqu’au milieu d’une grande calamité, nous voyons briller quelque vertu, quelque sentiment généreux, quelque chose enfin qui s’échappe du cœur humain, c’est alors que nous sommes vivement émus : voilà ce qui fait le charme et l’intérêt du tableau que nous venons de voir. Avec quelle noble délicatesse Andromaque exprime ses alarmes ! Elle tremble, qu’Hector n’expose sa vie, mais elle ne veut point compromettre sa gloire ; sa tendresse inquiète ne le presse point de rentrer dans Ilion, mais de rester au pied du rempart, d’où il pourra veiller sur ses guerriers ; Je n’ai pas besoin de vous faire remarquer ce qu’il y a d’attendrissant dans le jeune Astianax, qui s’effraye à l’aspect des armes dont Ilion attend son appui ; on sourit douloureusement à cette naïveté de l’enfance. Qui ne sait d’ailleurs combien l’image d’un enfant, mêlée aux destinées des empires, nous frappe et nous intéresse ? Nous ne sommes pas moins touchés, en voyant l’héroïsme guerrier pleurer sur le sort d’une épouse et d’un fils, sans rien perdre de son amour pour la gloire et de son dévoûment à la patrie.

Tous ces sentimens étaient vrais il y a trois mille ans ; ils le seront toujours. Je vous parlais dans mes précédentes lettres de l’admirable exactitude