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quinze toises au-dessus de l’Hellespont, ce qui n’égalerait pas la hauteur du Puy-de-Dôme, qui s’élève à huit cents toises au-dessus du niveau de la Méditerranée.

L’Anatolie n’a point de spectacle qu’on puisse comparer à celui du Gargare. L’antiquité croyait que les sommets de l’Ida, féconds en prodiges, étaient une des demeures choisies de la divinité. Homère s’empara de ces croyances religieuses qui favorisaient la poésie épique ; et de là ce merveilleux qui dans son poème s’unit partout à l’exactitude et à la fidélité des descriptions. Vous ne sauriez croire combien cette exactitude scrupuleuse dans les couleurs qu’il emploie, donne d’intérêt et de charme aux magnifiques tableaux du poète. Tout le monde, par exemple, a pu admirer ce beau passage de l’Iliade dans lequel Junon, précédée de Morphée, et parée de la ceinture de Vénus, va séduire sur le mont Gargare le maître du tonnerre. Tout ce tableau est admirable ; mais on est frappé bien davantage lorsqu’on a vu le mont Ida. lorsqu’on a parcouru ces montagnes dont la déesse a franchi les cimes ; on les voit s’élever progressivement depuis le cap Lectos jusqu’à la pointe du Gargare, comme les gradins d’un vaste amphithéâtre, ou comme les degrés d’un escalier divin réservé aux habitans de l’Olympe. Les grandes vues de la Troade et les tableaux d’Homère se mêleront toujours et resteront confondus dans mon esprit.