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combattant dans une enceinte qui n’a pas deux fois l’étendue du port de Toulon ! On voit encore au fond de la mer les débris et les carcasses des vaisseaux ; des plongeurs s’occupent encore chaque jour d’enlever les ancres, les carênes englouties pendant le combat, et vivent depuis trois ans des ruines de la marine turque ; on ne peut se défendre, à cet aspect, de quelques réflexions sérieuses ; Quelque honorable que soit la bataille de Navarin pour ceux qui ont combattu, comment doit-on juger la politique des cabinets qui l’ont provoquée, et qui en ont adopté les conséquences ! La réponse d’Aristide à ceux qui lui proposaient de brûler la flotte de Lysandre n’aurait-elle pas dû servir de leçon aux rois de l’Europe moderne ! On a comparé la bataille de Navarin à celle de Lépante : la victoire de Lépante sauva la chrétienté ; celle de Navarin n’a rien sauvé en Occident, et par elle l’Orient peut être changé, sans avantage pour la cause des Grecs qu’on a voulu servir, ni pour les sociétés chrétiennes qui n’ont rien à redouter du Croissant. Je me demande quelquefois comment on peut faire de la gloire avec ce qui n’est ni juste ni utile, et même avec ce qui peut amener dans l’avenir des évenemens malheureux.

J’étais impatient de descendre à terre, et de fouler le rivage de la Grèce. Lorsque le canot du Loiret m’a mis sur la côte, le soleil était au milieu de son cours ; une poussière rougeâtre brûlait sous