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lèbres, sont dignes aussi de notre attention, quelque dégradés qu’ils soient, quelque profonde que soit leur chute. Celui qui veut observer l’humanité telle qu’elle est, avec les passions et les misères de cette vie, ne pourrait-il pas dire avec le bon Lafontaine


Mieux vaut goujat debout qu’empereur enterré ?


Mais rien n’était plus difficile que de causer avec des gens qui ne m’entendaient pas, et qui n’entendaient que médiocrement notre interprète. Le pauvre Dimitri, lorsqu’il parlait aux habitans de Keiklé, s’efforçait de me faire valoir dans leur esprit et me présentait comme un personnage important, puis, quand il s’agissait de leur transmettre mes demandes et mes réponses, il embrouillait et dénaturait tout. Ainsi Dimitri ne ressemblait que trop à ces traducteurs vulgaires qui estropient un auteur, défigurent le sens de ses paroles, et dans une préface le louent prodigieusement, comme pour le dédommager du tort qu’ils lui ont fait en le traduisant. Ordinairement le malheur dont je parle n’arrive qu’aux auteurs morts ; pour moi, il faut que je le supporte vivant, et que j’assiste a mon propre supplice ; j’aurai bien souvent dans mon voyage à gémir de cet inconvénient ; mais il faut