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gnes qui ne nous paraissaient plus que comme de grandes ombres, bordant le chemin. Les sentiers que nous suivions étaient étroits, hérissés de rocs et remplis de pierres, et cette marche à travers les ténèbres n’était pas sans danger. Heureusement que la lune s’est bientôt levée, et ses rayons propices, en nous guidant sur cette route, sont venus animer par des teintes douces et variées l’admirable paysage qui s’étendait devant nous.

Notre chamelier Méhemet nous avait promis de nous faire passer la nuit dans le village de Kiolafli, situé à trois lieues de Baba. On nous avait dit qu’il y avait là de très-belles ruines, et qu’un paysan y avait trouvé une petite chèvre en airain ; nous étions bien aise d’ailleurs de voir un village turc. Nous avons rappelé à Méhemet la promesse qu’il nous avait faite en partant ; mais celui-ci ne voulait pas suspendre sa marche. Alors une discussion assez vive s’est élevée entre nous ; notre interprète Dimitri demandait en notre nom qu’on nous conduisît à Kiolafli ; le chamelier turc répondait avec humeur. Bientôt les esprits s’échauffent de part et d’autre ; notre Philhellène Franc-Comtois levait en l’air son bâton en menaçant le conducteur récalcitrant ; il nous avait semblé qu’en Turquie le bâton devait être le juge de toutes les querelles ; néanmoins il n’a pas produit ici son effet accoutumé. Le débat s’animait toujours davantage, on ne s’entendait pas ; M. Poujoulat et moi, nous exprimions notre dé-