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c’est de là que sortit cet homme extraordinaire qui, s’appuyant sur sa nouvelle patrie, vint brusquement prendre sa place parmi les conquérans et les rois ; singulière destinée de ce génie de nos temps de troubles, de ce géant des tempêtes ! une île le vit naître, une île accueillit son premier exil et comme si la mer eut voulu le disputer à la terre qu’il avait conquise, une autre île fut sa prison et son tombeaux. Il n’est resté de lui qu’une gloire immense, que ne peuvent réclamer ni sa famille, ni le lieu de son berceau, cette gloire fut, comme lui, l’ouvrage du destin, et, comme les monumens de nos cités, elle appartient à la France, car la France l’a payée de son sang, de ses trésors, et même de sa liberté. Quoique l’homme des destinées n’ait eu pour dernier asile qu’un rocher solitaire, des gens qu’il avait associés à sa fortune, et qui ont été rois de son vivant, rêvent encore à l’empire tombé de ses mains puissantes ; un fils, des frères, des cousins, se présentent, dit-on, pour recueillir sa succession, et pour régner après lui ; il faut avouer que les prétentions de tout ce monde-là seraient fort raisonnables si on héritait d’un météore, et si les orages fondaient des dynasties.

Les Romains, qui nous ont fait connaître tous les pays qu’ils ont conquis, n’ont pas négligé la Corse, mais comme cette terre était pour eux un lieu d’exil, ils ont du en parler avec prévention. Si nous en jugeons par quelques vers de Sénèque, qui avait