Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 1.djvu/105

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tenait un livre sous le bras. Je lui ai adresse quelques mots en français. Il m’a répondu dans la même langue ; ce qui m’a surpris très-agréablement. Il s’est offert pour être notre cicérone, et nous a dit tout ce qu’il savait de Tyrinthe. J’ai jugé, d’après sa conversation, qu’il ne manquait point de savoir. Il n’avait point négligé l’étude de l’ancienne Grèce ; mais la France nouvelle occupait bien plus ses pensées. Je lui ai demandé s’il était de Naupli. Je suis né à Sparte, m’a-t-il répondu, et je demeure à Argos, où mon pére est membre du tribunal de cassation. Cette idée du tribunat de cassation, mêlée aux souvenirs d’Argos et de Sparte, m’a confondu, et peu s’en faut que je n’aie vu pousser des cornes à notre jeune Spartiate. Le livre qu’il portait sous le bras était une de ces brochures qu’on ne connaît pas à Paris, quoiqu’elles en viennent. Je me souviens à ce sujet qu’on envoyait ces sortes de productions littéraires dans les colonies, quand nous avions des colonies. Nous les envoyons maintenant aux habitans d’Athènes et de Lacédémone ; et vous voyez qu’elles sont fort bien accueillies.

Ce jeune homme, de Sparte (ou plutôt de Misithra), avec ses manières françaises, avec sa brochure de Paris, avec son père membre du tribunal de cassation à Argos, peut vous donner une idée de la nation grecque, et vous faire juger ce que peut être un pays placé entre le souvenir vague de sa propre histoire, et les merveilles d’une civilisa-