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42 DON sentit entraîné par son goût pour les républiques, dont il épousa toujours les intérêts. Cette disposition d’esprit détermina plus tard sa conduite politique. Genève, ville impériale et libre, sauf des droits assez étendus exercés par ses évêques, luttait depuis longtemps contre la maison de Savoie, qui voulait la posséder. Le duc Charles III, surnommé le Bon par ses sujets et par ses historiens, résolut d’y établir sa domination. Jean, bâtard de Savoie, occupait le siège épiscopal de Genève et avait cédé au duc tous ses droits régaliens. Ce fut alors qu’éclatèrent les premiers troubles, et que Bonnivard se signala par son courage et par ses liaisons avec les hommes les plus remarquables de ce parti, entre autres Berthelier. ( Voy. ce nom.) D’abord il eut à soutenir contre l’évêque un citoyen appelé Pecolat, que le gêrélat avait fait arrêter ; ensuite il ménagea entre eneve et Fribourg un traité de co-bourgeoisie et de défense mutuelle ; mais l’année suivante, 1519, le duo s’étant fait ouvrir les portes de Genève, à la tète de cinq cents hommes, Bonnivard, qui redoutait Ion reœentlment, voulut se retirer à Fribourg ; il fut trahi par deux hommes qui l’accompagnaient, et conduit, en vertu d’un ordre du prince, à Groléc, où il resta deux ans prisonnier. Ses ennemis avaient toujours les yeux ouverts sur lui, et ils avaient résolu de mettre en usage tous les moyens pour le perdre. En 1550, l’ayant rencontré sur le Jura, des voleurs le dépouillèrent et le mirent encore entre les mains du duc de Savoie, qui l’envoya au château de Chillon, où il resta, sans être interrogé, jusqu’en 1536, qu’il fut délivré par les Bernois, maîtres du pays de Vaud. Ce château, ancien séjour des baillis de Vevrai et qu’un tel captif suffirait à rendre célèbre, est situé entre Carens et Villeneuve, ville placée à une extrémité du lac de Genève. A gauche de Chillon, a l’entrée du Rhone, et vis-àvis, se dressent les rochers de Meilleraie, illustrés par Rousseau. Byron a retracé les souffrances de Bonnivard dans un poëme, digne pendant de l’épisode d’Ugolin, et qui est peut-être, de toutes ses compositions, ainsi que l’a remarqué madame Belloc, celle qui fait pleurer davantage. L’auteur de la Nouvelle-Héloïse a aussi consacré le souvenir de Chillon et de son prisonnier ; il l’appelle un homme d’un mérite rare, d’une droiture et d’une fermeté à toute épreuve, « ami de la liberté, quoique Savoyard, et et tolérant, quoique prêtre. » Bonnivard, en brisant ses fers, eut la satisfaction de trouver Genève libre. La réforme religieuse s’y était en même temps opérée, et les magistrats voulaient l’établir dans les campagnes, qui refusèrent d’abord d’abandonner leur croyance. Bonnivard, partisan d’une tolérance dont le calvinisme s’est trop souvent écarté, applaudit à cette résolution, et engagea le conseil à leur accorder un temps suffisant pour examiner les propositions qui leur étaient faites. Ce moyen fut couronné par le succès. Quoique Bonnivard eût reçu plus d’une récompense des services qu’il avait rendus à la république, il ne crut point avoir été convenablement dédommagé de ce qu’il avait perdu DOW sa (28086, et l’on serait en droit de s’étonner de j L

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cette rigueur- de calcul dans un homme vanté pour la générosité de son civisme, siune fatale expérience n’avait appris que le parfait désintéressement est la plus rare des vertus patriotiques. Il demanda en v 1558 (l’Cl.l’B mis en possession de son prieuré de St-Victor ; on le lui refusa : il se retira à Berne. Le “ héros de Genève plaida contre elle : enfin, par un accommodement, il obtint, au mois de février 1558, j 800 écus en espèces, et 440 écus de pension viagère. u On pense qu’il mourut en 1570, mais on ne peut Passurer, parce qu’il y à une lacune dans le nécrologe, depuis le mois de juillet 1570 jusqu’en 1571. Cet homme, fameux dans sa patrie, pouvait passer pour savant. Il s’était familiarisé avec les classiques latins, et il avait approfondi la théologie et l’histoire. En 1554, il donna au public sa bibliothëflllél qui devint le fondement de celle de Genève. La même année, il institua la république son héritière, à condition toutefois que ses biens seraient employés à entretenir le collège dont on projetait la fondation, et cet acte l’absout du compte trop sévère demandé a ses concitoyens, lorsqu’il balança ses rémunérations et ses sacrifices. Il avait composé un grand nomb1·e d’ouvrages dont quelques-uns ont été publiés et dont les manuscrits autographes sont conservés dans la bibliothèque de la république. Senebier (Hist. litt. de Genève, t. 4, p. 457-459), en donne la liste. Le plus important, quoique encore inédit, est sa Chronique de Genève. Un libraire en a commencé la publication en 1825, mais elle n’a pas été achevée. Il est étonnant que, dans une ville ou existent tant d’hommes dont le zèle égale le savoir, on n’ait pas encore mis au jotu· ce monument de l’histoire nationale. R—0.

BONNIVET-GOUFFIER (Guillaume, seigneur de), amiral de France, fils de Guillaume Gouffier de Boissy et de Philippine de Montmorenci, « fut, dit Brantôme, en bonne réputation aux armées et aux guerres, au delà des monts où il fit son apprentissage ; et pour ce, le roi ( François Ier) le prit en grande amitié, étant d’ailleurs de fort gentil et subtil esprit et très habile, fort bien disant, fort beau et agréable, comme j’ai vu par son portrait. » Le jeune Bonnivet se signala surtout au siège de Gênes, en 1507, et à la Journée des Éperons, en 1513. Après la bataille de Marignan, François Ier l’envoya en ambassade en Angleterre, pour corrompre Wolsey, ministre de Henry VIII, et pour décider ce monarque à se déclarer en faveur de la France. L’année suivante, Bonnivet parcourut toutes les cours d’Allemagne pour faire élire François Ier empereur. Peut-être se serait-il assuré tous les suffrages, s’il avait pu distribuer l’argent avec prudence, au lieu de le prodiguer avec un éclat indiscret ; il gagna quelques électeurs, et flatta longtemps François Ier de l’espoir du succès ; mais, à la nouvelle de la proclamation de Charles Quint, il sortit du château qui lui servait d’asile aux environs de Francfort, et s’enfuit plein de honte à Coblentz. Toutefois, il n’en fut pas moins bien accueilli à la cour ; et à la mort de son frère Boissy, grand maître de la maison de France, le remplaça dans la faveur