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être jamais vu le jour, il paraît qu’il avait été éditeur des Mémoires de Mademoiselle (voy. Lettre de Voltaire, avril 1729). A. B—r.


THIROUX-D’ARCONVILLE (Marie-Geneviève-Charlotte), née le 17 octobre 1720. était fille de Darius, fermier général. Ayant épousé à l’âge de quatorze ans un conseiller au parlement de Paris, depuis président de l’une des chambres des enquêtes, elle montra pour l’étude un goût très-vif, qui du reste ne lui fit jamais négliger ni ses devoirs d’épouse et de mère, ni ce que le grand monde exige d’une personne destinée à y vivre. Étant restée très-marquée de la petite vérole, qu’elle avait eue à l’âge de vingt-trois ans, elle quitta le rouge, prit les grands papillons, la coiffe, enfin tout le costume d’une femme de soixante-dix ans. Elle renonça au spectacle, qu’elle avait aimé jusqu’au point d’aller voir jouer quatorze fois de suite la Mérope de Voltaire. Elle n’eut plus dès lors que l’existence d’une femme dévote, mais sacrifiant beaucoup aux plaisirs de l’esprit. Il y avait de la bizarrerie dans quelques-uns des jugements littéraires qu’elle énonçait ; il y en avait aussi dans ses goûts, puisqu’elle avouait préférer sa maigreur à l’embonpoint, et en tout l’art à la nature. C’était à la vérité dans une époque où, si la sociabilité, les agréments de salon avaient beaucoup gagné en France, la poésie et tous les arts du dessin s’y écartaient à l’envi des beautés naturelles qu’on avait la prétention de corriger. Les sujets tristes, funèbres même, soit en tableaux, soit en descriptions, convenaient mieux que les autres à madame d’Arconville. Elle avait commandé à un artiste célèbre une statue en marbre représentant la Mélancolie, qui cependant n’était pas, dans ce temps-là, aussi à la mode qu’elle l’est devenue de nos jours. On la vit s’occuper successivement d’histoire, de physique, de chimie, d’histoire naturelle et de médecine. Aimant tout ce qui tient aux jouissances intellectuelles, elle ne pouvait manquer de rechercher les hommes les plus marquants dans les sciences et dans les lettres. Elle eut des rapports avec Voltaire, dont elle admirait vivement l’esprit, sans pouvoir s’accoutumer à son caractère humoriste, et reçut souvent Gresset, ainsi que Ste-Palaye. Elle eut aussi dans sa société Turgot, Malhesherbes, Montyon, etc. Madame de Kercado, qui a fondé un établissement portant son nom, avait logé bien des années, et jusqu’à son mariage, chez la présidente Thiroux-d’Arconville. Parmi les hommes qui cultivaient les sciences, cette dame établit des relations fréquentes avec Macquer, Jussieu, Valmont de Bomare, Fourcroy, Sage, Ameilhon et Gosselin. Elle suivait les cours du jardin du roi, et entre autres celui d’anatomie, où quelques femmes étaient admises. Étant parvenue à se former un cabinet assez complet, et ayant obtenu d’avoir à sa disposition, sans sortir de chez elle, beaucoup de livres et manuscrits de la bibliothèque de Paris, elle fut en état de composer et de publier, mais en gardant toujours l’anonyme, divers ouvrages et des traductions de l’anglais. Elle possédait à Meudon une maison charmante, qu’elle vendit au commencement de la révolution. Elle avait fondé dans le village une espèce d’hospice, contenant quelques lits pour des malades qui étaient soignés à ses frais, par des sœurs de charité installées dans une maison voisine. Les aumônes de madame d’Arconville étaient très-abondantes : on la vit. À toutes les époques de sa vie, généreuse avec la plus extrême délicatesse pour les gens qu’elle aimait. Elle se déclara dès l’origine ennemie du grand bouleversement opéré en 1789, et dont les conséquences lui enlevèrent un de ses trois fils, Thiroux de Crosne, lieutenant général de police, dont l’article suit. Seulement, elle se reprochait dans sa vieillesse d’avoir eu foi aux assignats, elle qui, étant venue au monde l’année même du système de Law, en avait tant entendu parler, et en avait probablement aussi souffert avant et après son mariage. Elle avait pour sœur madame Angran-d’Alleray, femme du lieutenant civil de ce nom (voy. Angran d’Alleray). Ce digne magistrat lui donna dans son testament des témoignages de sa tendre amitié. La même prison, à Picpus, renfermait avec Angran-d’Alleray, dont la femme fut gardée dans sa propre maison tout le temps de la terreur, et se trouva réduite presque à la misère, madame Thiroux-d’Arconville et son fils Thiroux de Crosne. La présidente conserva jusqu’à un âge très-avancé la vivacité de son imagination et quelque chose de jeune dans l’exercice de ses autres facultés morales. Elle mourut le 23 décembre 1805, âgée de 85 ans. Arrivée presque au dernier terme, elle écrivait encore des Souvenirs, dont il existe un recueil qui forme treize volumes manuscrits. Voici la liste de ses ouvrages, dont plusieurs, et ses traductions surtout, ont été rassemblés dans sept volumes de Mélanges, in-12 : 1° Traduction de l’Avis d’un père à son fils, par le marquis d’Halifax, 1756 ; 2° Traité de l’amitié, ouvrage un peu froid sur un sujet qui a exercé la chaleur d’âme de beaucoup d’écrivains : 3° Traité des passions, 1764 ; 4° Vie du cardinal d’Ossat, Paris, 1771. 2 vol. in-8°. Cette Vie est curieuse et bien faite, mais prolixe. On y voit toute la négociation de l’illustre prélat à la cour de Rome pour y obtenir l’absolution de Henri IV. 5° Vie de Marie de Médicis, reine de France et de Navarre, Paris, 1774, 3 vol. in-8°. Madame Thiroux-d’Arconville avait eu ici l’avantage de travailler sur d’excellents matériaux historiques, et particulièrement sur des manuscrits qui lui fournissaient des faits et des détails inconnus jusqu’alors. Du reste, la Vie de Marie de Médicis, dont le sujet offre tant d’intérêt, est longue et écrite d’un style monotone. Gaillard, dans ses Mélanges, a relevé deux ou trois erreurs notables de ce livre. 6° Histoire de François II, roi de France et